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La Banque centrale européenne a maintenu la pression jeudi face à l'inflation et relevé ses taux d'intérêt d'un demi-point de pourcentage, affichant sa fermeté en annonçant à l'avance qu'elle procèderait à la même hausse au mois de mars.
La présidente de la BCE Christine Lagarde avait tué le suspense dès décembre, promettant pour février une deuxième hausse de 0,50 point d'affilée. Mais les gardiens de l'euro ont surpris en prévenant jeudi qu'ils relèveraient à nouveau les taux de la même ampleur lors de leur prochaine réunion de mars.
"Compte tenu des tensions inflationnistes sous-jacentes, le Conseil des gouverneurs entend relever de nouveau les taux d’intérêt de 50 points de base lors de la prochaine réunion de politique monétaire, en mars", annonce la BCE.
Les trois taux de l'institution ont été portés jeudi dans une fourchette comprise entre 2,5% et 3,25%, au plus haut depuis novembre 2008.
La BCE affronte une envolée massive des prix déclenchée par la guerre russe en Ukraine, ce qui l'a amenée à lancer un cycle de hausses de taux en juillet, inédit par son ampleur et mettant fin à près d'une décennie d'argent pas cher.
Contrairement à la Fed américaine, l'institution de Francfort estime qu'il n'est pas encore temps de lever le pied et de ralentir son resserrement monétaire.
Outre-Atlantique, la Réserve fédérale des Etats-Unis a en effet relevé mercredi son principal taux directeur pour la huitième fois d'affilée, mais a ralenti le rythme par rapport aux précédentes hausses.
- Trompe-l'oeil-
Alors qu'aux USA, l'inflation a culminé, dès juin 2022, le phénomène est bien plus lent en zone euro: la hausse des prix y a atteint un pic seulement en octobre, à 10,6%.
En janvier, l'inflation de la zone euro a reculé pour le troisième mois consécutif, à 8,5%, davantage qu'anticipé par les économistes grâce au recul des prix de l'énergie.
Mais elle reste bien au-dessus de la cible que s'est fixée la banque centrale, soit 2% à moyen terme.
Il s'agit par ailleurs d'une amélioration en trompe-l'oeil car l'inflation "sous-jacente" - hors énergie et alimentation - s'est en même temps maintenue à 5,2% et "devrait rester obstinément élevée en 2023", prévient Fritzi Köhler-Geib, cheffe économiste de la banque publique KfW.
En cause, "l'amélioration des perspectives économiques, un marché du travail tendu, des revendications salariales substantielles et une proportion élevée d'entreprises européennes qui s'attendent à ce que les prix de vente continuent d'augmenter", selon l'experte.
La BCE a d'autant moins de scrupule à serrer davantage la vis monétaire que la zone euro devrait échapper à une récession cet hiver, grâce à une légère croissance du PIB (+0,1%) au quatrième trimestre de 2022, selon Eurostat.
Le premier trimestre en cours a vu l'activité repartir en janvier, selon l'indice PMI, grâce à l'amélioration des chaînes d'approvisionnement et la réouverture de l'économie chinoise.
- Et après ? -
Jusqu'où iront les hausses de taux de la BCE ? C'est ce que guetteront les économistes dans les propos de Christine Lagarde lors de la conférence de presse à partir de 13h45 GMT.
Le communiqué de la BCE laisse la porte ouverte à toutes les options, indiquant que les futures décisions "resteront dépendantes des données".
Mais l'institution prévient aussi qu'elle "continuera d’augmenter sensiblement les taux d'intérêt à un rythme régulier et de les maintenir à des niveaux suffisamment restrictifs pour assurer un retour au plus tôt de l'inflation" vers l'objectif.
La suite du cap monétaire est susceptible de raviver le débat parmi les banquiers centraux partagés entre leur objectif de combattre et l'impact de leur politique monétaire sur la croissance.
Les "faucons", partisans de la fermeté, qui dominent désormais à Francfort, devraient plaider pour garder les taux d'intérêt à un haut niveau, au moins jusqu’en 2024, alors que les colombes sont favorables à une conduite monétaire souple.
Une heure avant la décision de BCE, la Banque d'Angleterre a relevé son taux directeur de 0,50 point de pourcentage à 4%, niveau le plus haut depuis 2008, pour contrer une inflation qui dépasse encore 10% au Royaume-Uni.