Accueil Actu Monde Economie

La dissolution des Soulèvements de la terre suspendue par le Conseil d'Etat

Les Soulèvements de la terre remportent une première victoire dans leur bras de fer avec le gouvernement: leur dissolution a été suspendue vendredi en référé par le Conseil d'Etat, qui a jugé insuffisants les éléments apportés par le ministère de l'Intérieur, avant de rendre une décision définitive "vraisemblablement à l'automne".

La plus haute juridiction administrative estime qu'il "existe un doute sérieux quant à la qualification de provocation à des agissements violents à l’encontre des personnes et des biens retenue par le décret de dissolution".

Le Conseil d'Etat avait été saisi fin juillet selon une procédure d'urgence dite de référé-suspension par les Soulèvements de la terre. Plusieurs associations et partis (dont La France insoumise, EELV, Agir pour l'environnement...) ainsi que plusieurs milliers d'individus s'étaient associés à ce recours.

Celui-ci visait le décret de dissolution pris le 21 juin par le gouvernement qui reproche au collectif d'"appeler" à des violences et d'y "participer".

"Victoire", a rapidement réagi le mouvement sur Twitter (rebaptisé "X"). "C’est un camouflet pour le gouvernement mais la décision parle d’elle-même", a plus tard réagi l'une des "voix du mouvement", Basile Dutertre auprès de l'AFP.

"La décision du Conseil d’Etat est extrêmement claire, elle n’appelle quasiment aucun commentaire (...), si elle est confirmée elle constituera une jurisprudence importante en matière de droit à la désobéissance en France", a estimé M. Dutertre.

Elle "confirme le caractère profondément inadapté, injustifiable et présomptueux de la procédure de dissolution à notre encontre", a ajouté un communiqué du collectif diffusé dans la soirée. Les Soulèvements de la terre annoncent que leur prochaine action aura lieu le 18 août: un convoi de l'eau contre les méga-bassines, composé de 900 vélos et 20 tracteurs, partira de Sainte-Soline, avant la tenue d'un point presse.

Le ministère de l'Intérieur a lui "pris acte" de cette décision, soulignant qu'elle ne "préjuge pas de la décision que le Conseil d'Etat prendra au fond"

- Décision à l'automne -

Le Conseil d'Etat a précisé dans son ordonnance que sa décision définitive sur le fond de l'affaire "devrait pouvoir intervenir rapidement, vraisemblablement à l’automne".

La suspension de la dissolution du mouvement a suscité nombre de réactions aussi bien dans le monde politique qu'associatif.

"La justice a joué son rôle de rempart" face à un gouvernement qui voulait "interdire un collectif qui le dérange politiquement", a estimé la cheffe d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV) Marine Tondelier. Le parti présidentiel Renaissance a lui déclaré que cette décision "ne légitim(ait) en aucun cas les actions violentes passées ou à venir".

"Le Conseil d'Etat freine les ardeurs répressives du gouvernement", s'est félicité la Ligue des droits de l'homme (LDH) dans un communiqué. "Victoire pour les libertés associatives !", s'est aussi réjoui Greenpeace.

Les juges des référés du Conseil d’État ont estimé vendredi que "la dissolution des Soulèvements de la terre porte atteinte à la liberté d’association et crée pour les requérants une situation d'urgence", justifiant une suspension.

Par ailleurs, "ni les pièces versées au dossier, ni les échanges lors de l’audience, ne permettent de considérer que le collectif cautionne d’une quelconque façon des agissements violents envers des personnes", indiquent-ils.

Les juges estiment également que les "actions promues par les Soulèvements de la terre ayant conduit à des atteintes à des biens" n'ont été que "limitées".

Le gouvernement avait annoncé son intention de dissoudre ce mouvement le 28 mars, quelques jours après de violents affrontements entre gendarmes et opposants à la construction de retenues d'eau à Sainte-Soline (Deux-Sèvres).

Dans son décret, il affirme que "ce groupement incite à la commission de sabotages et dégradations matérielles, y compris par la violence".

Les Soulèvements de la terre jugeaient eux cette dissolution "liberticide car attentatoire à la liberté d'expression" et "à la liberté d'association". Ils assurent que les faits qui leur sont reprochés sont "inopérants", "matériellement inexacts" ou ne leur sont pas "imputables".

- "Historique" -

Lors de l'audience de mardi, les avocats du collectif, Me Antoine Lyon-Caen et Aïnoha Pascual, ont fustigé les nombreuses "approximations" et "contre-vérités" avancées selon eux par le gouvernement.

Ils estimaient que par sa décision, le Conseil d'Etat avait "l'occasion de dire si le simple fait d'appeler à la désobéissance civile justifie en soi un motif légitime de dissolution".

La représentante de l'Etat avait elle plaidé que les actes commis par le collectif allaient au-delà de la simple désobéissance civile, argumentant que "la fin ne peut justifier les moyens".

A l'issue des échanges, les Soulèvements de la terre avaient jugé que cette audience et la décision qui en découlerait étaient "historiques" dans la mesure où c'est "la première fois qu'il y a la dissolution d'un mouvement aussi important, avec presque 150.000 personnes qui s'en revendiquent publiquement" et que c'est aussi "la première fois qu'un mouvement de l'écologie politique fait l'objet d'une telle procédure".

À lire aussi

Sélectionné pour vous