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"L'intelligence artificielle (IA) ne peut pas reproduire l'expérience du monde physique", estime le Britannique Norman Foster, 87 ans, figure majeure de l'architecture mondiale, interrogé par l'AFP en marge d'une rétrospective que lui consacre le Centre Pompidou jusqu'en août.
"A ce stade, l'intelligence artificielle est capable de duper, d'inventer (...) mais nous sommes d'abord des animaux sociaux, c'est pour cela que nous habitons les villes, et même si on est enthousiaste devant le monde numérique, on ne peut pas zoomer dans cette expérience", explique-t-il, assis dans un fauteuil devant l'immense baie vitrée sur laquelle se détachent plusieurs maquettes de ses célèbres tours.
"Nous vivons dans un monde physique: nous habitons des bâtiments, des rues, des squares. Tout cela, c'est de l'énergie et, cette expérience physique, l'IA ne peut pas la reproduire", ajoute-t-il.
Aéroports, réseaux de transport, tours, aménagements urbains, sièges d'entreprises, bâtiments publics, ponts... des centaines de carnets de croquis, de dessins, de photos prises par lui-même durant 60 ans de pratique architecturale, ainsi que des maquettes de 130 de ses projets, sont réunis à partir de mercredi sur plus de 2.000 m2 dans la grande galerie du musée d'art moderne du Centre Pompidou à Paris.
Ils résonnent avec des oeuvres de Fernand Léger, Constantin Brancusi, Umberto Boccioni et Ai Wei Wei, ainsi que des réalisations industrielles, un planeur et des automobiles, présentées dans un parcours thématique en sept sections.
- "Technologie et nature" -
Le viaduc de Millau en France, la tour de Londres en forme ellipsoïde (30 St Mary Axe), la grande cour du British Museum, le Reichstag à Berlin ou la Hearst Tower à New York sont quelques-uns de ses plus célèbres projets.
Souvent présenté comme le principal représentant de l'architecture "high-tech" avec Richard Rogers, Norman Foster préfère parler de sa vision "d'une architecture où la technologie et la nature sont indissociables" et dont la structure (fondations, façades, murs...) s'efface au profit d'un habitat aéré, végétalisé et très lumineux.
"Il conçoit l'architecture presque comme un organisme qui se met à l'équilibre avec l'air, le soleil, la vie, et qui construit un environnement pour les hommes, dans le respect du vivant et de ses conditions de vie", précise Frédéric Migayrou, commissaire de l'exposition.
L'architecte octogénaire, "plus inspiré par l'avenir que par le passé", imagine les villes du futur "plus propres, plus vertes, plus saines, plus calmes, plus sûres et procurant plus de plaisir", dans une vision "optimiste", voire "idéale".
- "Nucléaire" -
Aujourd'hui, note-t-il, "les villes les plus populaires, où on a envie de vivre, correspondent à un modèle essentiellement européen né avant le boom de l'automobile".
Et de citer "la transformation des modes de transport", "la mobilité et l'habitat partagés", "les jeunes générations qui ne sont plus autant intéressées par la propriété", "les villes plus durables qui consomment moins d'énergie", avec des "activités variées" et où "les gens peuvent vivre près de leur lieu de travail".
"Ces tendances, accélérées par la crise du Covid, sont évidentes", remarque-t-il.
Pour s'adapter au changement climatique, l'architecte mise sur de "l'énergie propre en abondance", à laquelle "seul le nucléaire peut répondre". "C'est une question de conception mais aussi de priorité. Nous devons opter pour cette énergie propre en dépassant les idées reçues, en se basant sur des faits, pas l'émotion", plaide-t-il.
Norman Foster a reçu le Prix Pritzker, équivalent du prix Nobel en architecture, en 1999.