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A la nuit tombée dans l'est de Belfast, Abbie Leebody, une protestante de 14 ans, et Niamh Campbell, une catholique de 28 ans, s'échangent de violents coups, au point que l'adolescente se mette à saigner du nez.
Les deux jeunes femmes ne sont pas prises dans une dispute communautaire et encore moins dans un nouvel épisode des violences qui ont opposé pendant 30 ans dans la capitale nord-irlandaise les communautés loyales à la couronne britannique, majoritairement protestantes, aux communautés républicaines, surtout catholiques.
Abbie et Niamh s'entraînent au sein de la Boxing Academy de la ville. Lancé en 2011, le club a pour objectif de dépasser les divisions communautaires tout en développant la boxe en Irlande du Nord.
"Je suis bien plus vieille qu'Abbie donc je la coache. Je dois bien la faire saigner du nez de temps en temps pour lui rappeler de maintenir la garde", sourit Niamh.
"On ne se dit pas: +Oh, je vais frapper du protestant+ (...) On ne réfléchit pas du tout à ça", ajoute-t-elle.
- "Murs de la paix" -
Les vieilles divisions restent bien visibles alors que l'Irlande du Nord commémore le 10 avril les 25 ans de l'accord de paix du Vendredi Saint.
A Belfast, la Boxing Academy se trouve directement à la frontière entre l'enclave républicaine pro-irlandaise de Short Strand et les communautés unionistes pro-britanniques qui l'entourent.
Une clôture en métal de plus de sept mètres, paradoxalement appelée "mur de le paix" et surmontée d'une caméra de surveillance, longe l'arrière du club.
Belfast compte quelque 13 kilomètres de ces "murs de la paix", des séparations érigées tout au long du conflit en Irlande du Nord à partir de la fin des années 1960.
Au début des "Troubles", les abords de Short Strand ont été le théâtre de violences et de batailles rangées entre paramilitaires loyalistes et républicains.
Dans les années qui ont suivi l'accord de paix, notamment en 2002 et en 2011, des émeutes avec jets de bombes à essence et fusillades entre paramilitaires y ont également éclaté.
L'académie de boxe, située dans une ancienne école primaire protestante, n'est accessible du côté unioniste que par un lourd portail surmonté de pointes. Ses fenêtres sont grillagées et des barbelés sont fixés au-dessus de la porte principale.
Abbie, qui vient du quartier protestant situé à côté du club, balaie ces divisions du revers de la main: "Il est évident que j'aime les catholiques et les protestants."
Stephen Clarke, surnommé "Chips" dans le club, vient de l'autre côté du mur et peut voir la maison de sa mère depuis la salle.
Agé de 45 ans, il explique que le club permet aux jeunes de se rencontrer, alors qu'ils sont pour la plupart dans des écoles distinctes et que les habitants se côtoient rarement.
"Il y a actuellement une dizaine d'enfants dans le club et je ne pourrais pas vous dire d'où ils viennent parce que nous ne posons pas cette question", explique-t-il.
- "Communauté à part entière" -
"Il ne s'agit pas de savoir d'où vous venez, de votre religion ou de votre tribu, quel que soit le nom que vous lui donnez", affirme-t-il. "Au lieu de se lancer des bombes à essence, nous pourrions faire de la boxe les uns avec les autres."
Lee Costello, entraîneur au club, affirme que l'académie permet aux boxeurs de 10 ans et plus de "faire partie d'une communauté à part entière plutôt que de quelque chose dont on vous dit de faire partie".
Pour ce jeune homme de 28 ans originaire du comté rural de Tyrone, la société nord-irlandaise est en train de changer et le sport contribue à ce changement.
"Les jeunes qui viennent ici n'ont pas les mêmes croyances (...), les mêmes croyances traditionalistes", affirme-t-il. "Vous savez, qu'il s'agisse d'une main gauche catholique ou d'une main gauche protestante, elles font toutes mal. Pour moi, c'est du pareil au même."