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A Kramatorsk, les survivants entre "haine" et "peur" après une frappe sanglante

Allongé sur un lit d'hôpital, Mykyta a le visage et le corps striés de blessures dues à des éclats de missile. Mardi soir, il dînait dans le restaurant visé par une frappe russe à Kramatorsk, dans l'est de l'Ukraine.

Il était attablé vers 19H30, avec des amis, dans cet établissement populaire du centre-ville, le Ria Pizza, explique jeudi à l'AFP d'une voix basse le jeune homme, âgé de 23 ans.

"Nous y venions tous les soirs. C'était comme si nous étions à la maison", dit-il, sans donner son activité mais en précisant être un civil.

"Nous avons entendu un sifflement comme celui d'un avion en vol. Ensuite, quelqu'un a crié : +Tout le monde à terre !+ Alors que nous étions allongés sur le sol, il y a eu une explosion et je ne me souviens de rien" juste après, relate le blessé.

Quand il est revenu à lui, Mykyta a vu des gens courir vers un sous-sol, avant d'essayer de dégager une voie d'évacuation alors qu'un incendie se déclarait.

"Avec un ami, j'ai dégagé la voie, en jetant les meubles pour ne pas qu'ils s'enflamment", se remémore-t-il.

Après être parvenu à s'échapper du restaurant, il dit avoir porté assistance à des blessés, mais il s'est ensuite senti mal et a été conduit à l'hôpital.

- Sept employés tués -

Selon le dernier bilan donné jeudi par les autorités ukrainiennes, le bombardement sur le restaurant a fait 12 morts et 65 blessés.

Mykyta a été légèrement blessé par des éclats de missile, il souffre d'ecchymoses et d'une commotion cérébrale.

"Ceux qui étaient assis à la table avec moi sont tous vivants, ils n'ont été blessés que par des éclats", précise-t-il. "Mais certains des morts, le personnel du restaurant, sont aussi mes amis, je les connaissais tous très bien".

Jeudi après-midi, devant l'établissement, des employés ont organisé une cérémonie pour rendre hommage à leurs sept collègues tués - dont quatre jeunes femmes -, devant leurs portraits surmontés de bougies, a constaté l'AFP.

Sur son lit d'hôpital à Kramatorsk, Mykyta dit se sentir désormais animé d'un "esprit combatif".

"Je ressens de la haine pour (les Russes) parce qu'ils sont en train de perpétrer un génocide contre le peuple ukrainien", lance le jeune homme.

Les hôpitaux de Kramatorsk ont accueilli des dizaines de blessés. Les cas les plus graves ont ensuite été transférés à Dnipro (centre-est), à 250 km de là, dont un bébé de 9 mois souffrant d'un traumatisme crânien.

"Il n'y a pas de patients étrangers dans notre service (...) Il y en avait, mais ils ont tous reçu les premiers soins et ont été envoyés à Dnipro", a indiqué à l'AFP le traumatologue Sergiï Fatianov.

- Effondrement du toit -

Les blessures les plus courantes sont les lésions crâno-cérébrales et de la colonne vertébrale, et les traumatismes multiples dus à des objets contondants, selon le médecin.

Selon le neurochirurgien Vitaliï Savenkov, 58 ans, environ 70 blessés sont arrivés en même temps à l'hôpital, dont un quart se trouvaient dans un état grave.

"J'ai opéré la victime la plus gravement blessée", précise-t-il, citant le nom de l'écrivaine ukrainienne Victoria Amelina.

Mme Amelina a été hospitalisée à Dnipro pour "de multiples fractures de la base du crâne(...) Elle se trouve actuellement dans l'unité de soins intensifs. Il n'est pas encore possible de faire des prévisions", ajoute le Dr Savenkov.

Le restaurant Ria Pizza était populaire notamment auprès des militaires, des bénévoles et des journalistes.

Les chefs pétrissaient la pâte à pizza sous les yeux des clients. Décoré de rangées de bouteilles, le bar servait uniquement des boissons non alcoolisées.

La frappe a aussi causé des dommages aux bâtiments environnants.

De l'autre côté de la rue, Volodymyr Kovalenko répare les cadres de ses fenêtres.

Ce saxophoniste de 74 ans dit à l'AFP qu'il était en train de jouer de son instrument mardi soir, lorsque le missile a frappé.

Il montre la peinture et le plâtre arrachés d'un mur intérieur et les fenêtres brisées dans trois pièces de son appartement.

"J'étais assis là en train de jouer du saxophone. Il y a eu un tel fracas que cette fenêtre est tombée ici", montre le musicien de jazz.

"Ma femme était dans la cuisine. Elle est tombée. Il était impossible de ne pas tomber, tant l'effet (de souffle) était fort", dit-il à l'AFP.

"Je n'ai même pas eu peur, c'était un tel choc ! Le sentiment de peur est venu plus tard", ajoute-t-il.

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