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"Très efficace" pour l'offensive contre les Russes: sur le front dans l'est de l'Ukraine, la livraison annoncée d'armes à sous-munitions par les Etats-Unis est très bien accueillie par les forces de Kiev.
Caché sous des arbres, dans des bosquets délimitant des champs dans la région de Donetsk, l'équipage d'un obusier italien M109L attend les ordres avant d'aller vers une position de tir. La ligne de front n'est pas loin.
Bob camouflage sur la tête, petit bouc au menton, le capitaine Iouri, nom de guerre "Aramis", commande une batterie de six de ces pièces d'artillerie dotées d'un canon de 105 mm.
"J'ai déjà subi à plusieurs reprises des bombardements avec sous-munitions. Les Russes ne se privent de rien", explique le jeune officier, âgé seulement de 23 ans, qui appartient à la 37e brigade d'infanterie navale nouvellement créée.
"Lorsqu'un obus à sous-munitions vole, vous le sentez immédiatement: il s'ouvre en l'air et ses petites grenades volent, vous ne savez pas où vous cacher. Les véhicules blindés légers et le personnel sont mis hors d'état de nuire, c'est très efficace", poursuit-il.
Les Etats-Unis ont annoncé vendredi la prochaine livraison à l'Ukraine de ces armes très controversées, car accusées de faire de nombreuses victimes collatérales, notamment civiles, en raison en particulier des charges non explosées qui s'enterrent dans le sol.
Mais selon "Aramis", les nouveaux modèles d'armes à sous-munitions minimisent ce risque.
"Lorsque des prototypes soviétiques sont utilisés, en raison du vieillissement de ces munitions, il se peut qu'elles n'explosent pas ou qu'elles ne remplissent pas leur fonction", dit-il.
En revanche, "lorsqu'il s'agit des dernières armes inventées dans les années 2000, la probabilité que ce projectile n'explose pas ou reste au sol est très faible", assure l'officier, le visage caché par un foulard.
A une poignée de kilomètres de son unité d'obusiers, là aussi caché dans un bosquet près d'un champ de jeunes pousses de tournesols, c'est un blindé français AMX-10 RC qui est en attente.
Plusieurs dizaines des ces chars légers ont été livrés récemment à l'Ukraine par la France - qui se refuse d'en préciser le nombre exact.
Ils sont déployés pour la contre-offensive menée depuis juin par l'armée ukrainienne dans l'est et le sud du pays, qui progresse lentement face aux forces russes, retranchées derrière de puissantes lignes défensives.
Peu utiles pour le combat direct sur le front, en raison notamment de la trop grande faiblesse de leur blindage, les engins français, qui disposent d'un canon très efficace, sont plutôt utilisés en appui de l'artillerie.
- "Avantage" sur le terrain -
Adjoint d'une compagnie appartenant aussi à la 37e brigade et comprenant notamment un peloton d'AMX-10 RC, le lieutenant "Cuba" est lui aussi très satisfait de la fourniture d'armes à sous-munitions.
"Pour les Ukrainiens, c'est une bonne chose car les Russes utilisent des armes à sous-munitions contre nous. Il est préférable d'en avoir également", dit-il.
"Cela augmenterait et rendrait plus efficace nos opérations offensives, c'est certain. Nous perdrons donc moins de vies humaines", explique-t-il.
"Je sais que beaucoup de gens pensent qu'il n'est pas bon de donner ces armes à l'Ukraine, mais je pense que ces personnes ont tort, parce que si vous refusez à une victime la possibilité de se défendre, alors votre morale est faible", plaide l'officier, âgé d'une quarantaine d'années.
"Nous avons besoin d'armes lourdes, de chars, d'artillerie, d'armes à sous-munitions, de tout ce qui pourrait nous donner un avantage sur le champ de bataille", ajoute-t-il.
Selon lui, "la tâche principale pour nous, maintenant, est d'épuiser les ressources des Russes, en nombre de soldats, en nombre de chars, en nombre d'artillerie, de les mettre à court de ressources, pour arriver à une situation où sur certaines parties de la ligne de front, nous pourrions faire une brèche".
Selon le capitaine Iouri, la lenteur actuelle de l'offensive ukrainienne s'explique notamment parce que "l'ennemi s'est véritablement enterré après être resté pendant un an" sur ses positions.
"Il y a de véritables villes souterraines, quand on les regarde depuis un drone, ou quand nos hommes reprennent certaines positions russes. Tout autour est miné et il y des fortifications qui sont très difficiles à prendre", dit-il.
Face à l'impatience exprimée par certains, y compris en Occident, de voir des progrès sur le front, "Cuba" dit comprendre "que les attentes soient élevées".
"Mais si certains pensent : +OK, nous avons donné 100 chars ou 20 AMX-10 à l'Ukraine, ils vont battre la Russie et aller à Moscou+... Et bien non, ça ne marche pas comme ça !", ironise l'officier.