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Jean Van Hamme, grand nom de la bande dessinée, créateur de XIII et Largo Winch, s'est demandé ce que donnerait une suite à la BD préférée de sa petite enfance, publiée sous l'Occupation. Alors il l'a écrite.
"La Flèche ardente" (éditions Blake et Mortimer), qui paraît vendredi, est le deuxième volet d'une création d'Edgar P. Jacobs, "Le Rayon U", datant de 1943.
Jean Van Hamme était alors un Bruxellois de quatre ans pris dans la tourmente de la Seconde Guerre mondiale.
"Ma mère était morte et mon père était résistant. Donc je vivais chez ma grand-mère, et j'avais un oncle qui avait à peine 11 ans de plus que moi, et qui était abonné à Bravo", explique-t-il à l'AFP.
L'adolescent lisait à son neveu cet hebdomadaire de bande dessinée, dont l'édition en français était née fin 1940.
- Flash Gordon belge -
L'un des dessinateurs s'appelait Edgar P. Jacobs, plutôt novice dans le 9e art. D'abord chargé d'illustrations de contes, il s'est essayé à sa version des aventures de Flash Gordon, en lieu et place des comics que la Belgique, sous la coupe allemande, ne pouvait plus importer des États-Unis.
Censure d'aventures trop pro-américaines? Crainte d'être accusé de contrefaçon? Ce Flash Gordon belge s'arrête au beau milieu de la guerre, et Edgar P. Jacobs se met à un récit rétrofuturiste de sa composition, mêlant science-fiction et bêtes préhistoriques, "Le Rayon U".
Pour la génération de Jean Van Hamme, "à quatre ans, une BD, c'est révolutionnaire", raconte-t-il. Surtout celle-là, puisque "moi je n'avais jamais vu d'avion!"
"Le Rayon U" ne sera édité en album qu'en 1967, en noir et blanc, et 1974 en couleur. Van Hamme, devenu auteur de BD à son tour, l'a redécouvert avec un autre regard.
"Je me dis: on sent que Jacobs a écrit ça au fur et à mesure sans savoir où il allait. C'est complètement kitsch", rapporte-t-il. "On ne sait pas ce que c'est que le rayon U, on ne sait pas pourquoi il s'appelle U, on ne sait pas ce qu'il devient, on ne sait pas ce que deviennent tous les petits flirts".
- "Ennuyeux, le super héros" -
D'où l'idée, "il y a trois-quatre ans", de remettre du sens dans cette intrigue: "J'ai eu vraiment l'envie, pour mon plaisir, de faire une suite (...) Ils ont tiré ça à quasiment 150.000 exemplaires. Ce n'était pas le but. Le but, c'était de m'amuser".
Le résultat, cette "Flèche ardente", détonne pour notre époque, en reprenant des ressorts scénaristiques tout droit venus des années 40.
Comme dans les films de l'époque où on économise la pellicule lors des scènes d'action, cet aspect décousu est réjouissant, pour la lutte planétaire entre l'empire d'Austradie, dirigé par un tyran, et l'État de Norlandie.
"Les intrigues étaient simplissimes. Il y avait les méchants et les bons (...) Il y a une espèce d'ABC du fantastique, dans cette histoire, sans qu'il y ait de super-héros. C'est ennuyeux, le super-héros: il peut tout faire", explique le scénariste.
Au dessin, on retrouve le duo Étienne Schéder et Christian Cailleaux. Le premier, Belge, connaît bien le style de Jacobs, pour avoir contribué à quatre albums de Blake et Mortimer depuis 2009. Le second, Français, a collaboré avec lui pour l'un d'entre eux, "Le Cri du Moloch" en 2020.