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S'ils ne sont "pas la solution miracle" aux déserts médicaux, ils entendent contribuer à un meilleur accès aux soins: les infirmiers en pratique avancée (IPA) pourraient voir leurs missions élargies, ce qui suscite l'hostilité de certains médecins criant à la concurrence "low cost".
Portée par la députée Stéphanie Rist (Renaissance), rhumatologue de profession, une proposition de loi sera examinée dans la semaine en séance à l'Assemblée nationale pour ouvrir "l'accès direct" à ces infirmiers expérimentés au statut créé via la loi Touraine de 2016 et un décret en 2018.
Les patients pourraient se rendre chez ces soignants - le plus souvent des soignantes - sans passer par un médecin, mais toujours dans le cadre d'un "exercice coordonné" avec ce dernier.
Les IPA, qui ont un Bac+5 (deux ans d'études en plus par rapport aux infirmiers diplômés d'Etat), seraient aussi autorisés à faire certaines prescriptions de soins et médicaments.
Très remonté contre le texte, le collectif "Médecins pour demain", en pointe dans la récente grève des libéraux, vient d'écrire aux élus et préfets pour s'émouvoir que "des actes médicaux soient réalisés par des professionnels non-médecins". Les généralistes du syndicat MG France, eux, assurent vouloir "absolument" travailler avec les IPA, mais refusent qu'ils fassent "quelque chose pour lequel ils n'ont pas été formés".
"Des médecins libéraux ont l'impression que les IPA vont leur piquer une partie de leur boulot et faire de la médecine +low cost+, mais aucun fait n'appuie ce qu'ils racontent", rétorque Julie Devictor, présidente du Conseil national professionnel des IPA.
Il n'est pas question, souligne cette soignante de l'hôpital Beaujon à Paris, d'ôter aux médecins leur monopole dans la pose d'un diagnostic ou l'initiation d'un traitement. Mais de permettre aux IPA de faire certaines prescriptions, par exemple d'antalgiques. "Je suis très embêtée de déranger un médecin pour avoir le droit de prescrire du paracétamol !"
- "Pas des mini-médecins" -
"Les infirmiers en pratique avancée ne se prennent pas pour des mini-médecins, ils accompagnent le patient dans la prise en charge de sa maladie", défend Laurent Salsac. Cet IPA au sein d'un cabinet médical près de Tours travaille avec cinq généralistes ayant une importante patientèle de personnes âgées: ils lui confient le suivi de leur maintien à domicile, le renouvellement de médicaments...
"On mange ensemble tous les midis, évidemment qu'on parle des dossiers", fait valoir ce quadragénaire, qui exerce en complète "symbiose" avec les médecins.
Natacha Toch ne voit pas non plus de "concurrence" avec les spécialistes qui l'entourent, au sein d'un collectif parisien: "Au contraire, il y a une complémentarité". Son suivi des patients en alternance avec des cardiologues "permet de libérer des créneaux" pour que les médecins en accueillent de nouveaux. Un gain précieux alors que les délais d'attente chez certains spécialistes atteignent plusieurs mois.
Et à la campagne, "une infirmière en pratique avancée saura prescrire tout ce qui peut +emboliser+ une consultation médicale", souligne cette IPA âgée de 50 ans.
Laurent Salsac veut croire que la "pratique avancée", devenue "pérenne" dans "une quinzaine de pays", va s'installer en France. Au nombre de 1.400 en mars dernier, les IPA ne sont "pas la solution miracle" aux difficultés d'accès aux soins, reconnaît Julie Devictor, quand 6 millions de Français, dont 600.000 en affection longue durée, n'ont pas de médecin traitant. "Mais ils font partie de la solution, c'est sûr", estime-t-elle.
Encore faudra-t-il rendre la profession financièrement plus attractive. A l'hôpital, Julie Devictor affiche un salaire net de 2.300 euros par mois avec 17 ans d'expérience, deux masters et même un doctorat en poche. La situation est plus dégradée en ville, où "le revenu moyen d'un IPA est inférieur à 1.000 euros par mois", déplore-t-elle.
La profession espère l'appui du gouvernement, alors que le ministre de la Santé, François Braun, ne cesse de chanter les bienfaits de la "pratique avancée", notamment en matière de prévention. "Il partage le constat que nous sommes insuffisamment revalorisés", déclare Julie Devictor.