Partager:
"Sa voix ne s'éteindra pas": un hommage solennel et poignant a été rendu vendredi à Robert Hébras, dernier témoin vivant de la barbarie d'Oradour-sur-Glane, où 643 habitants furent sauvagement massacrés par des Waffen SS en juin 1944.
Décédé le 11 février à 97 ans dans la commune voisine de Saint-Junien (Haute-Vienne), Robert Hébras laisse le souvenir d'un "passeur de mémoire" et d'un "homme ouvert et chaleureux" qui ne "s'est jamais considéré comme un héros".
Il avait 18 ans quand des soldats de la division Das Reich, dont des Alsaciens et Mosellans enrôlés de force, ont investi son village le samedi 10 juin 1944 et perpétré l'un des pires massacres de civils par des Nazis en Europe occidentale.
Dans des granges, ils ont abattu environ 200 hommes à la mitrailleuse.
Dans l'église, ils ont enfermé quelque 450 femmes et enfants et mis le feu. Puis ils ont brûlé les corps, creusé des fosses et entièrement incendié le village.
Une seule femme a réchappé au brasier de l'église. Robert Hébras, tombé sous des corps fauchés par la mitraille, a pu s'échapper d'une des granges en flammes, avec quatre autres hommes.
Devant plus de 500 personnes réunies dans le cimetière d'Oradour, face à son cercueil couvert du drapeau tricolore, la voix enregistrée du défunt a résonné: "J'ai horreur qu'on m'appelle le rescapé, le survivant. Je suis un homme. Je suis un témoin. Voilà".
Juste avant la cérémonie, sous un ciel couvert, sa dépouille a lentement cheminé par le village martyr, laissé à l'état de ruines depuis la tragédie.
Le convoi s'est arrêté plusieurs fois, notamment devant la grange qui aurait dû être son tombeau.
- "Souviens-toi" -
A chaque stop, sa petite-fille Agathe Hébras, à laquelle il a transmis de flambeau de la mémoire, a déposé un bouquet de fleurs. Elle a "juré" qu'elle continuerait son œuvre en "accompagnant, témoignant et diffusant ses valeurs humaines" et son inlassable message: "Oradour, Souviens-toi".
Dix ans avant sa mort, Robert Hébras, "Européen convaincu et engagé" selon sa famille, avait guidé dans les ruines de son village assassiné le président allemand Joachim Gauck, venu exprimer son "horreur" au côté de son homologue français François Hollande.
Vendredi, l'ancien chef de l'État s'est souvenu: "Dans l'église, où nous nous sommes tenus les mains, il a parlé. Et j'ai vu le président allemand pleurer". "Sa voix ne s'éteindra pas", a ajouté M. Hollande.
Dans un message lu par le ministre de l'Éducation Pap Ndiaye, venu avec la secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire Patricia Mirallès, le président Emmanuel Macron a souligné que "la République perdait un héros de cette Fraternité qui figure à tous nos frontispices, avec la Liberté et l'Égalité".
Gardant longtemps enfouis en lui les souvenirs de cette "journée d'épouvante", Robert Hébras s'est mis à témoigner à partir des années 1980, notamment auprès des jeunes. Il est aussi devenu "une institution de l'amitié franco-allemande", comme l'a souligné vendredi son ami Fritz Korber, ancien homme politique allemand, sous les yeux de l'ambassadeur Hans-Dieter Lucas.
Peu avant la fin de sa vie, Robert Hébras avait rencontré la petite-fille d'un des SS qui avait mitraillé la grange où il se trouvait.
Selon Benoît Sadry, président de l'Association Nationale des Familles des Martyrs d'Oradour-sur-Glane, qui a raconté l'épisode à l'assistance vendredi, il lui avait confié à l'oreille: "C'est un des jours les plus importants de ma vie, c'est comme si votre grand-père était venu me voir".