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Michel Barnier a invité ses ministres à la modestie en les accueillant pour la première fois ensemble à Matignon lundi matin, et à être respectueux avec les autres partis politiques, alors que sa fragile équipe est déjà traversée par des tensions.
C'est rue de Varenne que les 39 nouveaux ministres et secrétaires d'Etat, très majoritairement issus de la macronie et de la droite, se sont réunis pour la première fois pendant plus de deux heures, pour un "petit-déjeuner gouvernemental".
Ce n'est "pas un Conseil des ministres" mais une rencontre "autour d'un café pour mieux se connaître", leur a dit le Premier ministre. Celui-ci s'est rendu en début d'après-midi à l'Elysée pour rencontrer Emmanuel Macron avant une nouvelle réunion du gouvernement autour du président lors d'un Conseil des ministres en bonne et due forme prévu à 15H00.
Le Premier ministre a demandé à ses ministres d'être "irréprochables et modestes", et d'avoir "du respect" pour "tous les partis politiques". Il les avait déjà appelés dimanche à travailler dans la "plus grande cohésion".
Le gouvernement sera "républicain, progressiste et européen", a-t-il également souligné.
Les macronistes s'étaient inquiétés de la présence de ministres conservateurs et lui avaient demandé des assurances sur les lois sociétales comme l'interruption volontaire de grossesse (IVG) ou le mariage pour tous.
La veille sur France 2, le locataire de Matignon a promis que ces "grandes lois" de "progrès social ou sociétal" seraient "intégralement préservées".
- "Rétablir l'ordre" -
Dans le viseur des macronistes figurait notamment le ministre LR de l'Intérieur Bruno Retailleau, conservateur sur ces sujets et par ailleurs tenant d'une ligne ferme en matière d'immigration, de sécurité ou de respect de la laïcité.
Le nouveau poids lourd du gouvernement, qui a succédé lundi place Beauvau à Gérald Darmanin, a martelé qu'il voulait "rétablir l'ordre" même si "tout ne va pas se faire d'un coup de baguette magique" parce que "la pente à remonter est rude".

Le garde des Sceaux sortant Eric Dupond-Moretti a lui demandé que la loi de programmation pour la justice soit "respectée" parlant sinon de "trahison", lors de sa passation avec l'ancien député socialiste Didier Migaud. Ce dernier a assuré qu'on pouvait être "partisan d'une maîtrise budgétaire sans remettre en cause les priorités".
L'Education nationale "ne changera pas de cap", a promis pour sa part sa nouvelle ministre Anne Genetet, qui a succédé à Nicole Belloubet sur fond d'instabilité chronique à ce poste.
La santé, autre dossier prioritaire du gouvernement, est elle passée dans les mains de Geneviève Darrieussecq, qui a cité lundi l'accès aux soins et la prévention comme "axes majeurs" de sa future politique, tout en prévenant qu'elle ne pourrait pas "faire de miracles" sur le plan budgétaire.
Sur le projet de loi de fin de vie, qui a suscité des débats très nourris à l'Assemblée, avant que ceux-ci ne s'arrêtent pour cause de dissolution, elle a souhaité que le Parlement puisse "terminer le travail" entamé.
- Electeurs "frustrés" -
Le nouveau ministre de la Fonction publique Guillaume Kasbarian a lui plaidé pour "débureaucratiser à tous les étages", tandis que sa collègue du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, a promis une réforme des retraites "plus soutenable pour tous" mais sans dévoiler ses intentions sur celle de l'assurance chômage, à propos de laquelle elle avait émis des réserves.
Alors que l'élaboration du budget 2025, qui a déjà pris un retard inédit, est l'urgence numéro un, Michel Barnier a promis dimanche de ne "pas alourdir encore l'impôt sur l'ensemble des Français" mais suggéré que "les plus riches", voire les grosses entreprises, prennent part "à l'effort de solidarité".
L'ancien ministre de l'Energie Roland Lescure, qui a laissé son poste dimanche à la macroniste Olga Givernet, a dit lundi sur franceinfo "comprendre qu’un certain nombre d'électeurs puissent se sentir frustrés par ce gouvernement, qui ne représente pas, et c'est sans doute une première en France, les résultats des élections législatives".
Des conseillers de l'ancien gouvernement, sollicités pour reprendre du service dans le nouveau, s'interrogeaient. "Je ne sais pas si j’y crois à ce gouvernement, si c’est ma ligne", se demandait l'un d'eux.
La fragile coalition de Michel Barnier, menacée de censure par la gauche et l'extrême droite, est censée séduire une Assemblée fracturée en trois blocs à l'issue de législatives qui ont placé la gauche en tête, mais loin de la majorité absolue.
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