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Condamnée, Marine Le Pen "n'a pas d'autre choix" que la "victimisation", selon un politologue

Condamnée, Marine Le Pen est obligée de jouer la victime malgré le jugement de 152 pages rendu contre elle et huit autres eurodéputés. C'est ce qu'affirme Jean-Yves Dormagen, professeur à l'université de Montpellier et directeur de l'institut Cluster 17.

Pour Jean-Yves Dormagen, professeur à l'université de Montpellier et directeur de l'institut Cluster 17, Marine Le Pen "n'a pas d'autre choix" que la "victimisation" et "la dénonciation politique" après sa condamnation pour garder son socle électoral, qui la suit jusqu'ici, quitte à renoncer temporairement à se "normaliser".

Comment analysez-vous la réaction de Marine Le Pen depuis lundi ?

Au début, elle était un peu contradictoire avec d'un côté la dénonciation d'une justice partiale et puis en même temps la demande d'être jugée rapidement en appel, ce qui est une manière de reconnaître à la justice une certaine légitimité. Le RN a semblé hésiter à sortir de sa stratégie de normalisation qui vise à convaincre un électorat plus modéré de le rejoindre.

Mais rapidement, ça a évolué plutôt vers un positionnement antisystème qui est un peu inéluctable, dans la mesure où il y a un double problème. 

Celui évidemment de l'exécution immédiate de cette inéligibilité (cinq ans, NDLR), puisque ça l'empêche virtuellement d'être candidate à la présidentielle. Mais il y a aussi le problème de la condamnation elle-même (quatre ans de prison dont deux ferme, 100.000 euros d'amende, NDLR), qu'on a tendance à sous-estimer. 

Car prétendre gagner une élection présidentielle quand on a été condamné pour un détournement de fonds publics à des sommes de plus de quatre millions d'euros, c'est quand même problématique.

Cette stratégie de défense était effectivement dangereuse du point de vue judiciaire, puisque le fait de ne pas reconnaître la gravité des faits les exposait à une peine plus sévère. Mais elle était logique politiquement car c'est très compliqué pour quelqu'un qui prétend devenir président de la République d'admettre d'avoir organisé un système de détournement de fonds publics. Cela affaiblit très fortement vos chances de victoire.

Et il y a quand même une grande partie de l'électorat RN, qui est un électorat plus défiant que la moyenne envers les politiques, demandeurs de sévérité et qui revendiquent la probité. C'est compliqué d'être la candidate du parti des honnêtes gens en ayant été condamnée par la justice.

Donc, récuser la légitimité des juges et plus globalement attribuer tout ça à une forme d'action politisée, c'est leur seule manière de s'en sortir, de dire qu'ils sont innocents, et qu'on veut les abattre politiquement. Ils sont obligés de délégitimer la condamnation.

Marine Le Pen a donc choisi de préserver son socle électoral, quitte à renoncer à normalisation ?

Oui, l'enjeu pour eux aujourd'hui, c'est de ne pas perdre les 30% d'électeurs de leur socle. A ce stade, le socle tient. Selon une de nos enquêtes, dans l'électorat RN/Reconquête, vous n'avez que 5% qui trouvent que la peine est proportionnée. 54% la jugent excessive et 35% pensent qu'elle n'aurait pas dû être condamnée. On voit bien que dans son électorat personne ne pense que la peine est justifiée. C'est une vraie chance pour elle: la victimisation fonctionne auprès de ses électeurs.

En revanche, tous les autres électorats  sont d'avis contraires. Certains trouvent la peine un peu sévère, mais quasiment la plupart des gens la trouvent justifiée. Le narratif du RN ne fonctionne pas auprès d'eux.

Mais pour l'instant, ce qui compte pour elle, c'est de garder ce socle. La question de son élargissement est un luxe qui ne se pose pas.

Son image pourra-t-elle tenir sur la durée ?

Le fait que son appel soit tranché à l'été 2026 n'est qu'à moitié une bonne nouvelle parce que ça veut dire qu'il va y avoir une espèce d'incertitude jusque-là sur sa capacité à se présenter.

Tout va être suspendu à une décision de justice, et si elle est à nouveau condamnée, son image risque d'être durablement abîmée par toute cette séquence.
Parce que l'affaire, dont on parlait finalement assez peu jusque-là, a pris quand même une autre dimension médiatique. Et ça risque de devenir un feuilleton médiatique et judiciaire.

Donc, ce n'est pas génial que tout le cadrage médiatique autour de Marine Le Pen soit sur ses affaires judiciaires. D'autant plus que pour s'en sortir, elle est obligée d'adopter un point de vue et un positionnement antisystème. Et ça, ce n'est pas de nature à réunir cet électorat modéré de centre droit qu'ils essayent à tout prix de conquérir pour gagner les élections.

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