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Brésil: l'avenir politique de l'ex-président Bolsonaro en jeu dans un procès

L'incertitude demeure: l'ex-président brésilien Jair Bolsonaro devra attendre au moins jusqu'à vendredi pour savoir si la justice électorale le condamne à huit ans d'inéligibilité pour s'être livré à la désinformation sur le vote électronique avant sa défaite face à Lula.

A peine six mois après avoir quitté le pouvoir, le leader d'extrême droite est poursuivi par le Tribunal électoral supérieur (TSE) à Brasilia pour "abus de pouvoir politique et usage indu des moyens de communication" après avoir critiqué, sans preuve, la fiabilité des urnes électroniques, quelques mois avant les élections remportées fin 2022 par son rival de gauche Luiz Inacio Lula da Silva.

Trois juges ont déjà voté pour une condamnation, et un s'est prononcé contre, à chaque fois en motivant de façon détaillée leur choix.

La séance de jeudi, la troisième en une semaine, a été suspendue jusqu'à vendredi matin, où est attendu le vote des trois autres juges. Un nouveau report reste possible, si un magistrat demandait plus de temps pour examiner l'affaire.

La décision du TSE sera prise à la majorité, soit au moins quatre votes sur sept. Une condamnation serait un coup de tonnerre dans la politique brésilienne: elle interdirait à M. Bolsonaro tout accès à un mandat public, le privant de revanche lors de la prochaine présidentielle en 2026.

Au coeur de l'affaire: un discours prononcé en juillet 2022 à la résidence présidentielle de l'Alvorada, et retransmis sur la télévision publique. Il avait alors déclaré devant des diplomates vouloir "corriger des failles" dans le vote électronique avec la "participation des forces armées".

- "Un crime" -

Discret ces derniers mois et absent à son procès, l'ex-capitaine de l'armée, âgé de 68 ans, est monté au créneau ces derniers jours pour défendre son innocence.

"De façon regrettable, parler de vaccin, parler de vote, parler d'urne (...) est devenu un crime", s'est-il insurgé jeudi devant la presse à son arrivée à Rio de Janeiro.

"Je ne suis pas un ex-président normal, je suis un ex-président que le peuple regrette déjà, et nous avons le potentiel pour gagner les élections de 2026", a-t-il ajouté après sa descente d'un avion parti de Brasilia.

"Je n'ai commis aucun crime en me réunissant avec des ambassadeurs. M'enlever mes droits politiques sous l'accusation d'abus de pouvoir politique est incompréhensible", avait lancé M. Bolsonaro dans la capitale.

En cas de condamnation, la défense compte déposer un recours devant la Cour suprême.

Pour le juge Raul Araujo, qui a voté contre une condamnation de l'ancien chef d'Etat, son comportement "n'a pas été tel qu'il justifie une mesure extrême d'inéligibilité".

A l'inverse, son collègue Floriano de Azevedo Marques n'a rien vu de "plus grave" pour un président-candidat que de "mobiliser l'appareil de la République" pour faire croire que "les élections brésiliennes ne sont pas propres".

Selon le parquet, il a cherché à "donner l'impression erronée que le processus électoral" au Brésil "est obscur" et sujet aux "manipulations", dans l'"objectif de discréditer" le résultat du scrutin à venir.

- Risque de prison -

Durant toute sa campagne, M. Bolsonaro avait agité le risque de fraude, attisant la colère de ses partisans les plus radicaux qui, le 8 janvier, quelques jours seulement après l'entrée en fonction de Lula, avaient attaqué les sièges des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire à Brasilia.

Dans un entretien jeudi à une radio locale, le président Lula a de nouveau accablé son prédécesseur: "Nous avons eu ici un citoyen qui n'a pas voulu accepter le résultat des élections. Nous avons eu ici un citoyen qui a voulu faire un coup d'Etat le 8 janvier".

Si la question de l'après-Bolsonaro se pose déjà dans son camp et dans la presse, le bolsonarisme est toutefois solidement ancré. Jair Bolsonaro avait perdu avec seulement 1,8% d'écart au second tour face à Lula.

Les partis de droite et d'extrême droite sont encore plus forts au Parlement qu'ils ne l'étaient sous son mandat, posant un défi de taille au président de gauche, de retour après deux mandats (2003-2010).

Quelle que soit la décision du TSE, M. Bolsonaro n'est pas au bout de ses épreuves judiciaires. En plus d'une quinzaine de procédures devant le tribunal électoral, l'ex-dirigeant est ciblé par la Cour suprême dans cinq affaires, notamment pour son rôle présumé d'inspirateur des attaques du 8 janvier. Il risque la prison.

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