Partager:
Coup de théâtre au Mexique: une sénatrice de la droite libérale, d'origine indigène, a soudain bousculé l'hégémonie du pouvoir de gauche en place, qui mise aussi sur le soutien des plus modestes et une possible candidature féminine pour se maintenir en 2024.
Xotchitl Galvez, 60 ans, a brusquement réveillé l'opposition qui semblait promise à la défaite en juin 2024 face à la domination croissante des forces du très populaire président sortant Andres Manuel Lopez Obrador.
Pré-candidate depuis mardi, Galvez est la favorite dans la course à l'investiture au sein du Frente amplio, coalition de trois partis d'opposition.
Avec son irruption, deux femmes prétendent désormais au titre de première présidente du Mexique, du jamais vu dans l'histoire d'un pays à la réputation machiste.
Du côté du pouvoir, l'ex-maire de Mexico Claudia Sheinbaum mène une bataille interne contre l'ancien ministre des Affaires étrangères Marcelo Ebrard pour être la candidate du Mouvement pour la régénération nationale (Morena).
Sheinbaum et Ebrard font campagne à travers le pays pour s'imposer comme les héritiers de Lopez Obrador, qui ne peut pas se représenter selon la Constitution.
Le profil de Xotchitl Galvez complique la stratégie du président et de ses proches, artisans auto-proclamés de la "Quatrième transformation" du Mexique.
Au pouvoir depuis décembre 2018, Morena prétend défendre "les pauvres d'abord", en dénonçant l'opposition "conservatrice", "néo-libérale", "raciste".
Cet angle d'attaque ne fonctionne plus avec "Xochitl" née d'un père otomi et d'une mère métisse dans l'état d'Hidalgo, dans le centre du pays. Son prénom signifie "fleur" en nahuatl, langue indigène la plus parlée au Mexique.
La sénatrice raconte qu'à six ans elle vendait des bonbons dans la rue. Une de ses soeurs est en prison depuis onze ans pour appartenance présumée à une bande de ravisseurs.
Avant d'entrer en politique, Galvez a dirigé une fondation de soutien aux enfants et aux femmes indigènes.
"Le président a réussi à construire une opposition élitiste, raciste, blanche, oligarque. Je crois que le profil de Xochitl vide ce récit de sa substance", résume pour l'AFP l'analyste politique Paula Sofía Vázquez.
Son profil s'oppose également aux deux candidats à la succession de Lopez Obrador, Claudia Sheinbaum et Marcelo Ebrard, d'origine européenne, issus de la classe moyenne de la capitale Mexico, dont ils ont été les maires.
- "Personne ne me contrôle" -
Lopez Obrador a qualifié Galvez de "candidate de la mafia du pouvoir" et des "conservateurs" - lui offrant au passage une visibilité médiatique inespérée.
Galvez a d'ailleurs commencé à faire parler d'elle le 12 juin quand la présidence lui a refusé l'accès à la conférence de presse matinale de Lopez Obrador. "En me fermant la porte au nez, des milliers de mexicains m'ont ouvert la leur", a commenté la sénatrice, qui voulait contredire le président.
Galvez est une "self-made woman", selon le Financial Times, qui lui a consacré un long portrait, la qualifiant de "menace" pour le pouvoir au Mexique, 15e économie mondiale (126 millions d'habitants), tournée vers les Etats-Unis.
Galvez, ingénieure informatique, a lancé sa propre entreprise et milité dans les rangs du Parti de l'Alliance nationale (PAN, droite conservatrice et libérale).
Elle a été responsable de la Commission pour le développement des peuples indigènes sous le président Vicente Fox (2000-2006).
La native de l'Etat d'Hidalgo a été élue maire d'un district très chic de Mexico de 2015 à 2018, puis sénatrice en 2018, après avoir échoué à se faire élire gouverneure dans son Etat d'origine.
Adepte du franc-parler, la sénatrice a défendu contre son parti libéral-conservateur le droit à l'avortement, les droits des communautés LGBT+, voire certains programmes sociaux de Lopez Obrador.
"Personne ne me contrôle, pas même mon propre mari", aime-t-elle répéter. "Je n'appartiens à aucune oligarchie".
Galvez doit désormais recueillir 150.000 signatures de soutien au sein du Frente amplio, coalition qui regroupe le PAN, le PRD (centre-gauche) et l'ex-parti-Etat du PRI en perte totale de vitesse.
Le gagnant sera connu le 3 septembre, après des débats et des enquêtes d'opinion parmi trois finalistes.
Du côté du parti au pouvoir, le vainqueur du duel Sheinbaum-Ebrard sera connu le 6 septembre, également après une enquête d'opinion.