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Dans une église chrétienne en périphérie de Bangkok, des dizaines de Vietnamiens de l'ethnie Hmong chantent en chœur -- un rare moment de paix en Thaïlande, où les réfugiés vivent dans la peur d'être expulsés, faute de statut légal.
La Thaïlande, qui n'a pas signé la Convention de l'ONU sur les réfugiés, ne distingue pas les réfugiés des autres migrants, laissant un vide juridique dans lequel vivent des milliers d'étrangers, dans des conditions parfois précaires.
Le royaume s'apprête à lancer le 22 septembre un mécanisme qui pourrait offrir une protection légale aux personnes pour lesquelles il est trop dangereux de retourner dans leur pays d'origine.
Mais les intéressés se méfient de la main tendue, Bangkok entretenant de bonnes relations avec les gouvernements qui les recherchent.
"Nous sommes tous inquiets et effrayés, car nous vivons dans l'illégalité", lance le pasteur Sung Seo Hoa, qui a fui les hauts plateaux du Vietnam il y a 12 ans, face à la pression du régime communiste.
"Nous avons peur d'être arrêtés par la police, envoyés en prison et expulsés vers le Vietnam, toutes les heures de la journée", admet-il.
Il explique qu'il ne se déclarera pas auprès des autorités.
- "Propice aux abus" -
"Il y a des risques si nous nous présentons... Je ne pense pas que je ferai une demande", se justifie Sung Seo Hoa.
Le nouveau programme met en place un statut de "personne protégée" avec résidence temporaire, accès aux soins et à l'éducation, mais pas à un travail légal, laissant la porte ouverte à des abus, faute de protection vis-à-vis de leur employeur.
La police va commencer par contrôler quelque 5.000 personnes résidant dans les villes.
Les services d'immigration travaillent encore sur les détails, notamment sur la question de placer en détention les demandeurs, durant le temps d'examen de leur dossier.
C'est "un pas dans la bonne direction", assure Naiyana Thanawattho, d'une ONG thaïlandaise qui procure une aide juridique aux demandeurs d'asile.
Mais cette politique pourrait servir "à expulser" plutôt qu'à "intégrer" les étrangers, nuance-t-elle.
"C'est comme confier au renard la gestion du poulailler", ironise Phil Robertson, de l'ONG Human Rights Watch.
Le nouveau système, qui pourrait être "propice aux abus" et à l'extorsion, contient des clauses de sécurité qui pourraient permettre aux autorités de refuser un dossier au nom d'intérêts de défense nationale difficiles à définir, développe-t-il.
Cela pourrait concerner la cinquantaine de Ouïghours qui ont fui la Chine, les Rohingyas musulmans ayant quitté la Birmanie, ou des Nord-Coréens, selon le responsable.
- "Longue tradition humanitaire" -
La Thaïlande garde de bonnes relations avec Pékin et la junte birmane, qui laissent craindre son éventuelle collaboration. En 2015, le royaume a renvoyé en Chine une centaine de réfugiés ouïghours réclamés par les autorités.
Des cas de dissidents politiques vietnamiens et cambodgiens renvoyés dans leurs pays dans des circonstances controversées ont aussi terni l'image de Bangkok auprès des réfugiés.
"Nous constatons qu'il existe une coopération entre les gouvernements répressifs de la région pour éliminer les dissidents de l'autre voisin, comme une sorte d'échange", explique Patrick Phongsathorn, de l'ONG de défense des droits humains Fortify Rights.
La procédure comprend une vérification du casier judiciaire, qui pourrait révéler des accusations "infondées" dans le cas d'opposants politiques, développe-t-il.
Bangkok assure que le pays possède "une tradition humanitaire longue de plusieurs décennies", selon le département des Organisations internationales sous l'égide du ministère des Affaires étrangères, qui rappelle que les demandeurs pourront faire appel d'un refus sous 90 jours.
Jusque-là, l'agence de l'ONU pour les réfugiés (UNHCR) s'occupait du filtrage, mais son rôle reste à redéfinir dans le cadre qui s'apprête à entrer en vigueur.
L'instance a indiqué qu'elle travaillait avec le gouvernement thaïlandais pour "établir un mécanisme de protection juste, efficace et transparent, en ligne avec les standards internationaux".