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Carine est APATRIDE alors qu'elle vit en Belgique depuis 57 ans: "Lors de précédents voyages, je me cachais dans la voiture"

A 57 ans, Carine cherche désespérément à obtenir un passeport français pour pouvoir parcourir le monde. Etant apatride, aucun État ne la considère actuellement comme sa ressortissante...

L’histoire de Carine est surprenante. Depuis de nombreuses années, elle cherche à être reconnue par la France. Née d’un père français et d’une mère belge, l’aide-soignante a été inscrite au service de l’état civil de la commune de Binche le 24 octobre 1966. Sur le document qui livre les premières informations civiles sur Carine, il est alors écrit qu’elle est française par filiation, comme son papa.

Sa famille originaire de l'Hexagone s'est installée en Belgique avant la Première Guerre mondiale. Ses arrière-grands-parents, qui vivaient à Flines-lez-Raches (commune du Nord de la France), ont déménagé dans la commune de Maurage (La Louvière).

Quelques dizaines d'années plus tard, Carine a grandi du côté de Binche, en province de Hainaut. 

"Le premier document d’identité que j'ai reçu a ainsi été un titre de séjour (un document attestant de la permanence du séjour (carte E+)) qui ne m’a plus quitté. Sur ce dernier, il est écrit que je suis française. Je n'avais donc pas de carte d'identité, française ou belge (donc pas d'accès à un passeport)", raconte-t-elle.

Je me cachais dans la voiture 

A 19 ans, elle se marie avec un Italien dans sa ville, à Binche. "J’ai alors eu la possibilité de devenir italienne en 1985 (et donc la possibilité d'obtenir un passeport italien), mais j’ai fait le choix de garder ma nationalité française." 

Elle poursuit: "A l’époque, je ne savais pas que le fait de garder cette nationalité française allait me créer des problèmes par la suite. Mon mari et moi n’étions pas très riches donc on savait qu’on ne partirait pas en vacances. On démarrait dans la vie donc il fallait qu’on travaille. La question de ce passeport ne s’est jamais posée, du moins pas au début de notre mariage", ajoute-t-elle.

"Avant, je me cachais dans la voiture car si je me faisais arrêter à la frontière, je n’avais pas de carte d’identité pour traverser. Avec mon mari, on prend des risques durant quelques années, sans se faire prendre heureusement. Je n’ai par ailleurs jamais pris l’avion de ma vie", précise-t-elle.

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En 1995, l'espace Schengen est créé. Celui-ci fonctionne pour rappel comme un espace où le franchissement des frontières intérieures de 27 pays européens (situation en 2023) s'effectue librement, sans passeport, sans contrôle. 

La carte de résidente belge que possède Carine ne lui permet toutefois pas, à elle seule, de voyager dans l’espace Schengen. Elle doit être accompagnée d’un document d’identité français en cours de validité (carte d’identité ou passeport, ce que ne possède pour l'instant pas Carine).

Carine dit être au courant et précise s’être rendue compte vers ses 30 ans qu'elle avait besoin d'un passeport ou d'une carte d'identité pour voyager en toute légalité. "J’ai interpellé une première fois le consulat de France à Bruxelles à ce moment-là pour obtenir un passeport français", confie-t-elle.

"Je ne recevais par ailleurs jamais de papiers pour aller voter en tant que Française. J’avais posé la question à mon papa, qui n’en avait jamais eu non plus. Tout cela est passé à la trappe. On ne se rendait pas compte que tout ça était important. J’ai continué à faire des démarches vis-à-vis du consulat. Il n’y avait pas internet à l’époque où c’était juste le début. Je n’ai jamais vraiment été bien reçue. J’ai un peu laissé tomber l’affaire à un moment donné. Je travaillais et élevais mes enfants en Belgique. Je me suis dit tant pis", dit la maman de trois enfants.

A 50 ans, Carine a à nouveau des envies d’ailleurs et veut découvrir le monde. Elle entame alors quelques démarches pour obtenir un passeport français. "Quand je me suis rendue au consulat pour avoir un passeport, on m’a appris que je n’étais répertoriée nulle part. Pour eux, je ne suis pas française. On me dit que mon dossier est rouge."

175 euros pour devenir belge : "Mais ça me tient à cœur que la France me reconnaisse en tant que Française"

Une solution "plus simple" s’offre à Carine pour obtenir un passeport, devenir belge et voyager avec un passeport belge. Elle n’a jusqu'à présent pas opté pour cette option, parce qu’elle souhaite absolument que "la France me reconnaisse en tant que Française. C’est quelque chose qui me tient à cœur."

"La solution pour avancer serait de demander la nationalité belge, mais ce qui me dérange dans cette formule est qu’on me demande de payer une somme pour avoir cette nationalité (150 euros à payer au SPF Finances + 25 euros à payer auprès de la commune de Binche). J’estime qu’en ayant toute ma famille qui est belge, en ayant fait mes études ici, en ayant travaillé, je ne comprends pas pourquoi on ne me l’octroie pas gratuitement."

"Mon papa est devenu Belge car il travaillait à la commune de Binche. Cela s’est fait automatiquement. Ma sœur est, elle, devenue automatiquement Belge car ma maman est belge et que les conditions pour obtenir la nationalité avait changé en 1967 (en savoir plus sur les conditions en cliquant sur ce lien). Moi, je ne suis pas née à la bonne période et je n’ai pas pu en bénéficier automatiquement."

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"Il n’y a jamais eu de transcription des naissances dans des bureaux français"

Mais quel est le problème avec le Consulat de France à Bruxelles? Nous avons contacté la porte-parole Anne Monier, le 16 février dernier, et la situation de Carine l'a interpellée. Le dossier a été rapidement pris en charge. "Nos équipes se sont mises en relation directe avec elle pour lui indiquer les démarches à suivre. Nous ne pouvons pas communiquer sur les situations personnelles de nos concitoyens. Je vous invite à vous mettre en relation avec la personne qui vous a contacté pour tout complément d’informations", nous a-t-elle écrit. 

Cinq jours plus tard, Carine a été reçue au consulat. Elle a pu ainsi mieux comprendre sa situation qui a étonné son interlocutrice. 

"Mon cas est un cas d’école, presque unique. On m’a appris que les documents que je fournissais étaient quasi complets, mais il n’y a jamais eu de transcription dans des bureaux français. Cela remonte déjà à mes arrière-grands-parents, qui sont venus vivre en Belgique. La nationalité française s’est transmise jusqu'à moi par filiation. Je n'ai tout simplement pas été inscrite en France. Depuis le début, quand mes arrière-grands-parents sont arrivés en Belgique, ils n’ont pas transcrit la naissance de mon grand-père auprès du consulat. Mon grand-père est né en 1906 et mon papa en 1944. Jamais, on n’a parlé de retranscrire ces naissances dans les consulats, c’était des années spéciales. D’où l'effet boule de neige par la suite. Le consulat dit que je suis complètement apatride."

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L'acte de naissance du grand-père de Carine (photo ci-dessus)

Si la procédure pour obtenir la nationalité française auprès de la France est encore loin d'aboutir dans le temps, Carine a à présent reçu des nouvelles favorables. 

"Je dois rentrer des documents auprès du tribunal de Paris qui va traiter mon dossier avec toutes les pièces mises à sa disposition. On m’a dit qu’avec le dossier que j’ai présenté au consulat (acte de naissance de son père, le certificat de mariage de ses parents, acte de naissance de son grand-père,...), il y aurait 100% de chances que ça réussisse. La seule chose que je dois faire est de contacter la commune française (Flines-lez-Raches), d’où mes arrière-grands-parents sont partis, pour savoir s’ils ont un document de résidence de mes arrière-grands-parents dans cette ville."

Avant de pouvoir recevoir une carte d'identité française et ensuite un passeport, Carine s'attend à devoir encore patienter "deux à trois ans". Si la France ne la reconnaît pas comme étant une de ses ressortissantes, elle décidera de prendre la nationalité belge. 

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Commentaires

8 commentaires

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  • Une histoire française.

  • Kafka n'est pas mort , je suis persuadé que si elle était venue d' Afrique ou d ' Asie son problème n'existerait plus depuis longtemps , je suis Français et je sais que mon pays pour ses enfants trouve toujours des problèmes qui n'existe pas .Das ist Frankreich ?????

    Jean CARLIER
     Répondre
  • La vie n'est pas simple quand on a des principes.

  • Eh bien, qu'elle quitte la Belgique pour sa chère France ! Le chauvisnisme est bien génétique et incurable.

    Jean Neymar
     Répondre
  • En attendant, est-ce qu'elle paie des impôts ? Si c'est non, qu'elle reste bien comme elle est !

    roger rabbit
     Répondre
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