Accueil Actu

La crim' du commissaire Maigret a cent ans

La brigade criminelle, la crim' du commissaire Maigret, qui a vu défiler les plus grands assassins, a cent ans cette année et reste une exception dans la police pour son savoir-faire. 148. C'est le nombre de marches menant aux locaux de la crim' au célèbre 36, Quai des Orfèvres, siège historique de la police judiciaire parisienne, au coeur de Paris. Le détail a son importance. Depuis sa création, rien n'a été changé: ces marches en lino usé ont été foulées par les acteurs des plus grandes affaires criminelles, d'Etat ou énigmes. Des tueurs en série, Petiot, Thierry Paulin ou Guy Georges; les auteurs de l'attentat manqué contre le général de Gaulle en 1962; les témoins de l'accident mortel de Lady Di en 1997; de plus anonymes dépeceurs et autres maris jaloux... "Qui monte ces marches éprouve toujours quelque chose", affirme Claude Cancès, ancien "patron" du "36", comme on surnomme le siège de la PJ où il a passé 30 ans dont une partie à la criminelle, centenaire cette année. Il fête cet anniversaire dans un livre paru aux éditions Jacob-Duvernet, "Les seigneurs de la crim'". "Seigneurs ne veut pas dire cadors", affirme-t-il à l'AFP. "La crim', tout policier en rêve. C'est l'aristocratie. Quand on y est, on devient plus humble: nous sommes des gens comme les autres, dans une équipe qui a ses règles." La criminelle est née le 29 juin 1912 à la préfecture de police de Paris (PP), dont dépend la PJ, afin de répondre à la bande à Bonnot, des braqueurs sanglants et insaisissables. Elle a rapidement mis au point une méthode d'enquête unique dont le pivot est un groupe d'enquêteurs auquel est adjoint un procédurier dont le "savoir-faire est inégalé", selon Cancès. Une permanence 24 heures sur 24, 200 hommes au début, une centaine aujourd'hui - un "luxe", raille-t-on parfois dans la police - répartis en sections de droit commun et antiterroriste et 12 groupes d'enquête obéissant à une hiérarchie quasi militaire où chacun a sa place.
"Culture de l'aveu"
Il y a des termes crim': "doublure" pour les permanences, "dérouille" quand elle prend une affaire. Il y a des clichés que le cinéma, la presse et les séries télévisées reprennent à l'envi: "rouleau compresseur", "ne laisse rien au hasard". Et une devise: "Qui s'y frotte s'y pique". Simenon s'est inspiré de l'un de ses commissaires, Pierre Guillaume, pour Maigret. Les "limiers" de la crim' citent souvent Louis Jouvet dans le film de Clouzot, "Quai des Orfèvres" (1947): "Bonjour c'est la police, la criminelle. Rassurez-vous, c'est ce qui se fait de mieux". La "maison de la mort", comme dit l'écrivain Matthieu Frachon qui a publié en 2011 une "Histoire de la crim'" (Jean-Claude Gawsewitch), "ce sont des passionnés". "Ils ne comptent pas leur temps et peuvent interroger en même temps un +clodo+ meurtrier et un témoin cravaté dans une affaire d'Etat", selon lui. "Même si les +fadettes+ et l'ADN ont changé les choses, elle est une exception. Sa seule passion est la vérité. C'est assez étonnant. Elle a une culture de l'aveu". Pour Bernard Pasqualini, commissaire en retraite, "la crim' était un rêve" de jeune policier. Il y a longtemps exercé se frottant au gang des Postiches ou Action directe, comme Cancès. Il y a pourtant des revers. Le suicide de Richard Durn, meurtrier du conseil municipal de Nanterre (Hauts-de-Seine) en 2002, dans les locaux vétustes de la crim'. Autre tache: Marc Machin accusé par la crim' du meurtre d'une femme avant d'être blanchi. Pasqualini a gardé en mémoire le meurtre non résolu d'une fillette de 11 ans en 1986. "C'est un vrai regret", dit-il.  "Mais, ajoute-t-il, 15 ans après, un jeune collègue a rouvert le dossier. Une affaire ne meurt jamais à la crim'."

À la une

Sélectionné pour vous