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50 ans du MLF: une décennie de luttes, un demi-siècle d'histoire

"On avait une force, une envie de pousser les montagnes", se souvient Cathy Bernheim, militante historique: le Mouvement de libération des femmes (MLF), de tous les combats de la décennie 1970 dont celui pour l'avortement "libre et gratuit", célèbre ses cinquante années d'existence.

Le 26 août 1970, neuf femmes tentaient de déposer sous l'Arc de Triomphe à Paris une gerbe pour la femme du Soldat inconnu, avant d'être arrêtées par les forces de l'ordre. Une date souvent associée aux débuts du mouvement, qui fait irruption dans la sphère publique un jour de grève des femmes aux États-Unis.

"Nous voulions montrer qu'il y avait en France des femmes qui réfléchissaient collectivement", se souvient Cathy Bernheim, écrivaine alors âgée de 26 ans et présente ce jour-là.

Difficile pourtant d'attribuer un acte de naissance à ce mouvement très horizontal, galaxie de petits groupes appartenant à différents courants, que l'historienne des féminismes Bibia Pavard définit comme "une dynamique collective, qui prend forme à la fin des années 1960 et perdure jusqu'au début des années 1980".

En effet, des groupes comme "Psychanalyse et Politique", porté par Antoinette Fouque, Josiane Chanel et Monique Wittig, se réunissent déjà après Mai-68, avec un impératif de non-mixité: "Ces réunions entre femmes étaient bouleversantes", se souvient la journaliste Catherine Guyot. "C'était pour nous une transgression, un nouvel espace pour penser".

Malgré leurs divergences stratégiques et politiques, les groupes se rapprochent autour du droit à l'avortement, de la libération des corps ou contre les violences conjugales, donnant un véritable élan au projet révolutionnaire du MLF.

Les activistes diffusent leurs idées dans des publications collectives, comme le "Torchon brûle", et s'organisent lors d'assemblées générales dans l'amphithéâtre des Beaux-Arts. Les actions du MLF, provocatrices et médiatiques, lui donnent alors un "formidable essor, avec un afflux massif de nouvelles militantes", souligne Bibia Pavard.

- "Manifeste des 343" -

"Il y avait énormément de créativité, c'était très festif, joyeux", raconte Cathy Bernheim, marquée par le souvenir de la marche internationale des femmes pour la contraception et l'avortement libre et gratuit à Paris, le 20 novembre 1971, avec des rues envahies par les banderoles, les slogans humoristiques et les chants féministes.

De nombreuses militantes du MLF ont d'ailleurs signé, quelques mois plus tôt, le "Manifeste des 343" publié dans le Nouvel Observateur, dans lequel 343 femmes - dont des personnalités comme Catherine Deneuve ou Simone de Beauvoir - affirment avoir avorté, s'exposant ainsi à des poursuites pénales.

Elles soutiennent aussi les adolescentes enceintes du foyer du Plessis-Robinson, qui mènent une grève de la faim en 1971 pour dénoncer leurs conditions de vie, et militent lors du procès de Bobigny en 1972, qui juge une adolescente ayant avorté à la suite d'un viol, défendue par Gisèle Halimi.

En 1973, la loi Veil vient finalement légaliser l'interruption volontaire de grossesse pour une durée provisoire de cinq ans, avant d'être définitivement reconduite en 1979, dans le sillage d'une grande marche co-organisée par le MLF et rassemblant des dizaines de milliers de manifestantes à Paris le 6 octobre 1979.

A cette époque, les divisions au sein du mouvement parisien sont de plus en plus difficiles à occulter. Pour sauver, dit-elle, le MLF de l'oubli, Antoinette Fouque dépose le sigle et crée une association en octobre 1979, déclenchant une violente polémique et la parution d'un livre, "Chronique d'une imposture".

"Pour les autres militantes, surtout celles qui étaient là depuis le début, il s'agit d'une appropriation inacceptable de ce nom, qui qualifie un mouvement et non pas une association, propriété de quelques unes", précise l'historienne Bibia Pavard.

La dynamique du MLF s'essouffle, mais plusieurs groupes - notamment régionaux - poursuivent ses actions, en parallèle d'une phase "d'institutionnalisation" portée par l'arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, avec l'élection de François Mitterrand, et la création d'un ministère délégué aux Droits de la femme.

"A un moment donné le MLF n'a plus servi à grand chose, et les unes et les autres sont parties continuer leur combat" ailleurs, résume Cathy Bernheim.

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