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Il y a trente ans, Limoges devenait le premier club français à remporter une Coupe d'Europe, guidé par son entraîneur Božidar Maljkovic et son "savoir-gagner" qui a permis de construire une "équipe de feu" capable de battre "le gratin européen", se souvient le capitaine de l'époque, Richard Dacoury, dans un entretien à l'AFP.
Le 15 avril 1993, le Cercle Saint-Pierre inscrivait son nom au Panthéon du sport français en dominant, à la surprise générale, le Final Four de la Coupe d'Europe des clubs champions de basket, à Athènes.
Un sacre inimaginable quelques années auparavant, "au-delà de toutes espérances", selon Dacoury, malgré la domination nationale du club marquée par deux triplés dans les années 1980 (1983 à 1985 et 1988 à 1990).
Le CSP se forge même un palmarès sur la scène continentale, mais à l'échelon inférieur, la Coupe Korac (1982 et 1983).
Un homme va bouleverser la trajectoire du club limougeaud: Božidar Maljkovic.
"Il est arrivé tout auréolé de ses deux titres avec Split (ex-Yougoslavie) et ce savoir-gagner, se rappelle Dacoury. Il nous a transmis ça: une forme de confiance dans le coach, dans son expérience, dans son savoir et ç'a été un avantage déterminant dans notre progression."
Ailier aérien au jeu spectaculaire, Dacoury découvre alors la rigueur d'un entraîneur bourreau de travail.
- "Dur, c'est facile pour lui" -
"Dur n'est pas dans son vocabulaire. Dur, c'est facile pour lui", sourit "Flying Dac", emblème du club où il a passé 18 saisons.
"À l'intersaison, on a passé un mois de préparation inimaginable en termes d'intensité, de rythme, de travail. Il a construit à ce moment-là l'équipe qui allait devenir championne d'Europe. On ne le savait pas encore, même si on s'est rendu compte dès le premier match qu'on avait une équipe de feu."
Grâce notamment à l'apport de Michael Young, scoreur américain merveilleux mais soliste et limité défensivement, au point de faire douter Dacoury: "Avant de recruter Michael Young, +Boža+ me montre les images d'un joueur américain qu'il pensait pouvoir recruter. Je vois ce joueur qui shootait de toute part, qui ne faisait absolument aucune passe, et intérieurement, je me dis: +Pourvu que je ne joue pas avec ce mec-là+."
"C'est toute la force de Maljkovic, qui a l'œil d'un technicien hors normes capable de voir comment tel ou tel élément pouvait s'imbriquer et comment l'ensemble pouvait fonctionner."
L'équipe bâtie par "Boža" écrase alors le Championnat de France, mais perd ses premiers matches de Coupe d'Europe. Une victoire à Badalone (Espagne) met enfin les Limougeauds sur de bons rails. Ils ne s'arrêteront plus.
"La confiance a grandi au fur et à mesure des poules avec en point d'orgue le match d'appui lors du quart de finale contre l'Olympiakos, qu'on gagne de deux points sur un shoot de Jurij Zdovc. On a vécu un match d'une intensité et d'un suspense fou et je crois que c'est à l'issue de ce match qu'on a vraiment pris conscience que tout était possible."
- "Ignoré par la presse" -
La bande à Dacoury obtient son billet pour Athènes, avec un programme chargé: le Real Madrid du pivot lituanien Arvydas Sabonis en demi-finale, avant une éventuelle finale contre le PAOK Salonique, non loin de ses bases, ou Trévise, emmené par sa vedette croate, Toni Kukoc.
Limoges débarque dans l'indifférence la plus totale au milieu de ces géants.
"On était totalement ignoré par la presse, se souvient Dacoury. On était là pour jouer de notre mieux, avec Maljkovic qui disait qu'il ne voyait pas comment on ne pouvait pas gagner ce tournoi parce qu'on était les meilleurs, les mieux préparés à la fois physiquement et tactiquement."
La veille de la demi-finale, "Boža" porte sa méthode au paroxysme en infligeant à ses joueurs un "entraînement de fou".
"Il nous a imposé un entraînement de deux heures à fond. Les privilégiés qui étaient dans la salle nous regardaient les yeux éberlués en se disant: +Mais qu'est-ce qui leur arrive ? Est-ce qu'ils savent que le match a lieu le lendemain et non pas le surlendemain ?+."
Qu'importe, Dacoury, Frédéric Forte, Jim Bilba et Michael Young écartent le Real (62-52), puis battent Trévise en finale (59-55) malgré une fin de match fabuleuse de Kukoc.
Forte, meneur gestionnaire et défensif de l'équipe, réussit, lors de la dernière possession du match, à voler le ballon des mains du génie croate et acter la victoire des siens, un "geste qui restera dans l'histoire", assure Dacoury.