Partager:
À Zaventem, c’est le même ballet chaque soir. Les avions se posent, la cargaison est chargée, les portes se ferment, redécollage et mystère sur les marchandises transportées.
En ce soir de février 2013, les employés de la société Brink’s finissent de charger 121 colis dans un appareil de la compagnie Helvetic Airways. Il est alors 19h53. Des gyrophares bleus éclairent la nuit, deux véhicules avancent sur la piste et huit hommes vêtus en policiers et lourdement armés cernent l’avion. Ils forcent le personnel à ouvrir la soute et s’emparent des 121 sacs sans tirer un coup de feu.
« Il ne faut pas croire que parce qu’il n’y a pas eu de coup de feu que les victimes ne sont pas traumatisées puisqu’il y a eu apparemment des armes avec des lasers qui ont été posées sur leur corps. Donc ça devait être quand même très impressionnant, je dirais, sur le moment », explique Olivier Martins, l’avocat qui a défendu plusieurs des suspects.
À 19h57, le commando prend la fuite. Le braquage a duré 4 minutes. Quatre minutes pour s’emparer de l’éternité, en l’occurrence des diamants bruts et taillés en très grande quantité. « Quand vous avez des grandes valeurs dans un petit volume, c’est normal que ça attire. Ça attire les convoitises de tous les malfrats », confirme l’expert en diamants Eddy Vleeschdrager.
Le montant du butin reste inconnu
Aux diamants s’ajoutent des pierres précieuses et des lingots d’or. Un butin affolant de 38 millions d’euros au bas mot. « Ce sont les compagnies d’assurances qui se sont manifestées, on n’a jamais vraiment eu d’explication très précise sur qui avait perdu quoi chez certains de nos bijoutiers ou de nos diamantaires connus », explique l’avocate de certains suspects, Nathalie Gallant. « La Sûreté marocaine a fait état d’une valeur de plus de 300 millions d’euros », avance Me Martins. « Je crois que ça a été fortement exagéré. 10 à 15 %, peut-être 20 % de différence de valeur, mais pas beaucoup plus », estime pour sa part l’expert.
Les braqueurs cagoulés n’ont laissé aucune trace. À quelques kilomètres de l’aéroport, ils incendient une voiture pour attirer l’hélicoptère de la police et couvrir leur fuite. Une enquête compliquée commence alors. « À l’époque, on s’est retrouvé avec un braquage à l’ancienne et des méthodes à l’ancienne pour essayer d’obtenir des résultats en termes d’enquête, c’est-à-dire pas mal de sources policières, des informations, des tuyaux », se rappelle Me Gallant.
La piste de braqueurs bruxellois puis celle d’un Français travaillant au Maroc
Les premiers tuyaux mènent à des braqueurs bruxellois bien connus. La police déploie les grands moyens : micros, GSM sur écoute, perquisitions tous azimuts. Elle trouve quelques gilets pare-balles et des cagoules. Une vingtaine de suspects sont interpellés. « Ceux qui ont été suspectés avaient le profil. C’était une piste qui était intéressante, mais il faut se dire qu’il n’y avait pas d’élément qui est venu véritablement corroborer ce qui avait été proposé par les indicateurs » , précise Me Martins.
Un peu plus tard, un autre nom surgit, bien connu celui-là aussi : Marc Bertoldi. Il est français et travaille au Maroc. Il est en contact avec un promoteur suisse qui garderait les pierres dans sa cave. « Le Maroc disposait d’informations qui pouvaient être intéressantes dans le cadre de ce dossier, de la résolution de ce dossier, et donc ils ont spontanément pris l’initiative d’en informer les autorités belges », détaille Jean-Marc Meilleur, porte-parole du parquet de Bruxelles à l’époque.
Le 7 mai 2013, la police française arrête Marc Bertoldi au domicile de sa mère, près de Nancy. « Ce n’est pas du tout quelqu’un de violent. Marc a toujours de bonnes intentions mais des mauvais moyens », témoignait celle-ci le 14 mai 2013. Dans la cave en Suisse, on retrouve un petit lot de diamants. L’équivalent de 5 millions. Bertoldi avoue : oui, il les a achetés à un contact mais jamais au grand jamais, dit-il, il n’a participé au braquage de Zaventem.
Les diamants volés jamais retrouvés
« Malgré toutes les commissions rogatoires qui ont été lancées, et dans plusieurs pays, même jusqu’en Jordanie sauf erreur de ma part, elles n’ont pas apporté d’éléments ou n’ont pas permis de retrouver les diamants du casque de Zaventem », détaille Me Martins. « Je pense que c’était millimétré et c’est justement parce que c’était millimétré que l’on peut parler d’un casque professionnel », ajoute Me Gallant.
Mais où sont les diamants volés ? À l’ouverture du procès en janvier 2018, la question est sur toutes les lèvres. « Pour les diamants bruts, c’est traçable. Une fois que le diamant est taillé, il n’y a plus moyen de le tracer » et donc de les retrouver, rappelle Eddy Vleeschdrager.
Aucune condamnation, faute de preuves
En mai 2018, les 18 prévenus sont acquittés faute de preuves. « On se serait attendu à ce que, vu les enjeux, vu les montants, vu les figures du grand banditisme qui étaient suspectées, que l’enquête soit à la hauteur de l’enjeu », estime Me Gallant. « C’est un échec pour la vérité, puisque personne, finalement, n’a été arrêté et condamné pour les faits du braquage », ajoute Me Martins.
Marc Bertoldi, absent au premier procès, a finalement écopé de cinq ans de prison mais seulement pour recel.
Quatre personnes ont été rejugées en 2023 avec le même résultat : acquittées. Les diamants n’ont jamais été retrouvés.















