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Les portes sont ouvertes, les serrures retirées: la célèbre centrale de Clairvaux, qui vit passer depuis le 19ème siècle tout un gotha pénitentiaire, a été totalement vidée fin mai, en vue de la reconversion du site, partiellement classé, au coeur de l'Aube.
La fermeture de l'établissement, une ancienne abbaye cistercienne du XIIe siècle devenue prison au XIXe, avait été annoncée dès 2016 par le garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas.
Il avait qualifié les bâtiments, qui avaient alors une capacité de 180 places, de "vétustes", estimant leur état "incompatible avec la dignité" des détenus et gardiens.
Les derniers détenus, une petite trentaine, pour la plupart âgés, ont finalement été transférés vers d'autres établissements fin mai, a indiqué le directeur de l'établissement, Cédric Esteffe, lors d'une visite de presse organisée jeudi.
La direction mène désormais "un gros travail de démantèlement en vue de la remise des lieux au ministère de la Culture", a priori à l'automne, précise-t-il.
Le site, qui a vu se succéder une "ex-abbaye cistercienne, une maison centrale napoléonienne" et une "maison centrale moderne", construite en 1971, n'a "pas d'équivalent" en Europe, note Jean-Lucien Sanchez, chargé d'études historiques au ministère de la Justice.
De son passé cistercien, elle a notamment gardé l'immense dortoir qui servit de prison pour femmes, ou le cloître, transformé en cour de promenade.
Au XIXe siècle, elle était l'une des principales prisons de France, avec 2.500 hommes, femmes et enfants détenus, certains dans de minuscules cellules de 3 m2.
Le député d'extrême gauche Auguste Blanqui (1805-1881) ou l'écrivain d'extrême droite Charles Maurras (1868-1952) passèrent entre ses murs. Tout comme les derniers guillotinés en France, Claude Buffet et Roger Bontems, condamnés après une tentative d'évasion qui avait coûté en 1971 la vie à un surveillant et une infirmière.
Le dernier surveillant tué en service en France l'a aussi été à Clairvaux, lors d'une évasion collective en 1992, selon Paul Lelu, dernier gardien en chef du bâtiment A.
La centrale a également hébergé le meurtrier en série Guy George, ou Youssouf Fofana, chef du gang dit des "barbares", qui avait séquestré et torturé Ilan Halimi.
A l'issue d'un appel à projets pour la reconversion de ce site de 32 hectares, deux candidatures restent en lice: celle d'Adim Est, filiale de Vinci, allié au gestionnaire de lieux de culture et loisir Edeis, et celle réunissant un promoteur immobilier et un fonds d'investissement, Redman-Soverency.
Les offres devaient "intégrer la double dimension du site, sa dimension cistercienne et l'héritage carcéral", précise le sous-préfet de Bar-sur-Aube, Barthélémy Champanhet. L'arbitrage final, par l'Etat et les collectivités territoriales, sera annoncé à l'automne.