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La sonde spatiale européenne Juice a décollé à la deuxième tentative, vendredi à bord d'une fusée Ariane 5, destination Jupiter et ses lunes glacées, à la recherche d'environnements habitables pour des formes de vie extra-terrestre.
Reportée jeudi de 24 heures en raison de risques d'orages, la mission scientifique phare de l'Agence spatiale européenne (ESA) a pu s'élancer à 14H14 GMT depuis le port spatial de Kourou en Guyane française, marquant le début d'une odyssée spatiale inédite.
Environ 27 minutes après son décollage, Juice (Jupiter Icy Moons Explorer) doit se séparer de la coiffe du lanceur dans laquelle elle a été installée, panneaux solaires repliés, à environ 1.500 kilomètres d'altitude.
Ca n'est qu'après cette séparation que le lancement pourra être déclaré réussi.
"La trajectoire est nominale", c'est-à-dire conforme à ce qui était prévu, a déclaré peu de temps après le décollage le directeur des opérations depuis la salle de contrôle de Jupiter du Centre spatial guyanais, où l'émotion était palpable.
Jeudi, les équipes du Centre spatial guyanais avaient dû interrompre les opérations sept minutes seulement avant le décompte final, à cause d'un risque de foudre.
Contrairement aux lancements classiques qui disposent d'une certaine marge pour décoller, la fenêtre de tir de la sonde Juice est à une seconde près, du fait de l'orbite particulière qui est visée.
"Juice est la sonde la plus complexe jamais envoyée vers Jupiter", a souligné le directeur général de l'ESA Josef Aschbacher, dans la salle de contrôle Jupiter du Centre spatial guyanais (CSG).
"C'est une mission extraordinaire qui montre tout ce dont l'Europe est capable", s'était félicité Philippe Baptiste, le président du Centre national d'études spatiales (CNES) qui gère le CSG, devant plusieurs personnalités dont le roi des Belges Philippe et l'astronaute français Thomas Pesquet
Conçue par Airbus, Juice embarque dix instruments scientifiques (caméra optique, spectromètre imageur, radar, altimètre, magnétomètre...). La sonde est aussi équipée d'immenses panneaux solaires de 85 m2 - la taille d'un terrain de basket - pour garder de la puissance, dans un environnement où la lumière du Soleil est 25 fois plus faible que sur Terre.
C'est la première fois que l'Europe spatiale part explorer une planète du système solaire externe, qui démarre après Mars.
"Par petites touches, l'exploration spatiale repousse les frontières de la connaissance", s'est félicité auprès de l'AFP Thomas Pesquet, qui a assisté au lancement aux côtés de l'astronaute française Claudie Haigneré et de son collègue allemand Matthias Maurer.
- Croisière "pas du tout tranquille" -
"Si nous, on est en position de retourner sur la Lune dans quelques années c'est parce qu'il y a eu des précurseurs robotiques. L'exploration robotique et habitée sont deux bras d'un même effort", a-t-il fait valoir.
Le lancement de vendredi n'est que le prélude à une croisière qui "ne sera pas du tout tranquille", a commenté Carole Larigauderie, cheffe du projet Juice au CNES.
Juice ne doit atteindre sa destination finale, à plus de 620 millions de kilomètres de la Terre, qu'en 2031. Ne pouvant rejoindre directement Jupiter, l'engin devra en passer par de complexes manoeuvres d'assistance gravitationnelle qui consistent à utiliser la force d'attraction d'autres planètes pour gagner de la vitesse.
Par un survol Lune-Terre d'abord, puis de Vénus (2025), puis à nouveau de la Terre (2029), avant de prendre son élan vers le mastodonte du système solaire et ses plus grandes lunes, découvertes par Galilée il y a 400 ans: Io la volcanique et ses trois comparses glacées Europe, Ganymède et Callisto.
"Le système jovien a tous les ingrédients d'un mini-système solaire", relève Carole Mundell, directrice des sciences pour l'ESA. Son exploration "permettra d'étudier comment fonctionne notre système solaire, et tentera de répondre à la question "Sommes-nous seuls dans l'Univers ?", souligne l'astrophysicienne.
La quête principale de Juice est de trouver non pas directement la vie, mais des environnements propices à son apparition. Si Jupiter, planète gazeuse, est inhabitable, ses lunes Europe et Ganymède sont des candidates idéales: sous leur surface de glace, elles abritent des océans d'eau liquide, or seule l'eau à l'état liquide rend la vie possible.
Juice cible Ganymède: en 2034, elle devrait se placer en orbite autour de ce satellite naturel, le plus gros du système solaire et le seul à posséder un champ magnétique la protégeant des radiations.
Entre deux épaisses croûtes de glace s'y meut un gigantesque océan, "profond de plusieurs dizaines de kilomètres, bien plus profond que les océans sur Terre", a souligné Josef Aschbacher.
L'enjeu de la mission est d'en connaître la composition, pour déduire si un écosystème pourrait s'y développer. "On sait que sur Terre, il existe un lac subglaciaire (dans l'Antarctique, NDLR) où on a trouvé une sorte de mucus qui se développe - donc de la vie", décrypte Carole Larigauderie.
"Si Juice arrive à prouver que Ganymède est habitable pour pouvoir aller vérifier à l'avenir qu'il y a de la vie, ce serait fabuleux !", s'exalte-t-elle.
Le lancement de Juice, d'un coût de 1,6 milliards d'euros, intervient en pleine crise des lanceurs pour l'Europe, quasiment privée d'accès autonome à l'espace après le départ des fusées russes Soyouz de Kourou, des retards cumulés d'Ariane 6 et de l'échec du premier vol commercial de Vega C.
Le vol de jeudi est l'avant-dernier d'Ariane 5 avant le premier d'Ariane 6 prévu fin 2023.