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Ce n'était pas arrivé depuis plus de 30 ans: à Artouste, le mois de février sans neige fait office de test grandeur nature pour cette station pyrénéenne, engagée dans une transformation de son activité pour s'adapter au changement climatique.
Au bord du lac de Fabrèges dans la vallée d'Ossau (Pyrénées-Atlantiques), la petite station n'a pu offrir que deux jours de ski depuis le début de l'hiver, lors d'un week-end de janvier.
Si depuis 2020 elle n'utilise plus de neige de culture sur ses 20 pistes, situées entre 1.400 et 2.000 mètres d'altitude, le paysage printanier qui s'affiche depuis le pied de la station ce 19 février est "inédit", de l'avis des professionnels.
Le site, resté fermé hors vacances scolaires depuis décembre, a donc ouvert en proposant des activités alternatives de montagne.
Train panoramique, tyrolienne, mountain bike, spa de plein air: "C'est une saison qui valide nos choix", relativise Jean-Christophe Lalanne, directeur général de la station, passée sous régie municipale en 2019.
Le choix de la préservation des ressources en eau et en électricité, nécessaires pour la production de neige de culture, était moins évident en 2020, se souvient Jean-Christophe Lalanne. "La décision aurait été plus facile deux ans plus tard, après la sécheresse que l'on a vécue et le choc énergétique mondial lié à la guerre en Ukraine."
Ce matin de début de vacances scolaires néo-aquitaines, le train panoramique qui a transporté 120.000 passagers l'été dernier, circule dans sa version hivernale.
- Phase de fragilité -
Un peu plus de 50 passagers y grimpent pour admirer un décor 100% neige naturelle - et clairsemée. Pour Nathalie, venue avec ses enfants, "il faut que les stations réfléchissent à des alternatives, on ne pourra pas continuer à faire de la neige artificielle pour toujours".
Au fond de la vallée d'Ossau, Artouste se situe entre deux stations de ski dotées de canons à neige: Gourette, à 30 kilomètres et à la même altitude, et Formigal, en Espagne, à moins de 20 kilomètres, à 1.500 mètres.
"Entre ces deux stations dont l'essence même est le ski, on allait dans le mur. Nous sommes un petit domaine skiable différent et complémentaire, dont le train est l'articulation majeure", explique le maire de Laruns, Robert Casadebaig.
"Le domaine skiable deviendra la partie faible, on a fait une croix là-dessus", ajoute-t-il.
"Entre le modèle abandonné et celui qu'on construit", la station d'Artouste traverse une phase de fragilité, convient son directeur qui table sur cinq années supplémentaires pour stabiliser le modèle économique.
Cette saison "catastrophique" selon Hélène Laulhé, assistante de direction du restaurant Le Panoramic, à 2.000 mètres d'altitude, contraint à "s'adapter, ne pas baisser les bras et se vendre autrement".
- Piste de ski synthétique -
La station a aussi l'intention de s'équiper d'une piste de ski synthétique, praticable toute l'année, moyennant un investissement de 400.000 euros.
Non loin de là, à Gourette, le département des Pyrénées-Atlantiques porte un choix différent: il investit 30 millions d'euros pour "faire une station plus performante", explique Jean-Pierre Mirande, élu en charge des politiques de montagne.
Le projet phare des travaux, entamés en 2020 et prévus pour se terminer en 2025, est de remonter le front de neige, aujourd'hui à 1.400 mètres, à 1.600 mètres d'altitude.
Pour M. Mirande, cette saison 2023/2024 ne doit pas être une "saison couperet". Il ne se projette pas "dans la fin de la neige d'ici 30 ans" et ne "veut pas gommer l'existant du jour au lendemain", pour préserver les emplois induits dans les vallées et "l'économie montagnarde".
L'an dernier, les retombées économiques du tourisme dans la vallée d'Ossau ont atteint 132 millions d'euros.