Partager:
Y a-t-il eu entrave aux secours à Sainte-Soline ? Les familles de deux hommes placés dans le coma après la manifestation "antibassines" interdite samedi dans les Deux-Sèvres ont déposé plainte, notamment pour "tentative de meurtre", alors que les autorités défendent l'action des forces de l'ordre.
Chloé Chalot, avocate à Rouen, a déclaré mercredi à l'AFP avoir déposé plainte au nom des deux familles.
Le parquet de Rennes a confirmé de son côté avoir reçu la plainte des parents d'un manifestant de 32 ans, originaire de Toulouse, pour "tentative de meurtre" et "entrave aux secours". Victime d'un traumatisme crânien lors des violents affrontements avec les gendarmes autour du chantier d'une retenue d'eau à Sainte-Soline, le pronostic vital de ce jeune homme, prénommé Serge selon ses parents, est toujours engagé.
Celui du deuxième manifestant grièvement touché à la trachée, Mickaël, de 34 ans, ne l'était plus mardi soir, selon les organisateurs de la manifestation, mais il est toujours dans le coma.
Serge a été blessé "par une grenade GM2L", déclarent ses parents dans un communiqué. Ils reconnaissent que leur fils est "fiché S" et "a eu des problèmes judiciaires", "comme la plupart des gens qui se battent contre l'ordre établi", ajoutent-ils en défendant "son honneur".
Le parquet de Niort a indiqué ne pas avoir pu "déterminer l'origine de la blessure" avant de se dessaisir au profit de celui de Rennes.
Le délai de prise en charge de ce manifestant à Sainte-Soline est dénoncé par les organisateurs et des observateurs de la Ligue des droits de l'Homme (LDH), pour qui les autorités ont entravé l'intervention des secours - ce qu'elles démentent.
"Le Samu a indiqué ne pouvoir intervenir pour secourir un blessé en état d'urgence vitale, dès lors que le commandement avait donné l'ordre de ne pas le faire", écrivait la LDH dès dimanche.
- Appel -
Un appel enregistré, au contenu rendu public mercredi par les organisateurs, est au cœur de la polémique. Il implique un médecin et une avocate de la LDH qui, depuis un village voisin, étaient en lien avec des personnes au contact des blessés, dont Serge.
"On n'a pas l'autorisation d'envoyer des secours (...) parce que c'est considéré comme étant dangereux", répond le Samu à l'avocate lors de cet échange, imputant la décision au "commandement sur place".
Depuis samedi, les autorités justifient le délai d'intervention des secours par la nécessité, pour les gendarmes, d'assurer leur sécurité.
La LDH réplique que la zone où se trouvait le blessé était "totalement calme depuis plusieurs dizaines de minutes" au moment de la conversation téléphonique, entamée à 14H50 samedi tandis qu'un médecin militaire se rapprochait de la victime.
Selon la gendarmerie, un "retour relatif au calme" était constaté depuis 14H20 autour de la bassine, avant une brève reprise des heurts entre 15H23 et 15H27.
D'après la préfecture, un premier appel aux pompiers avait signalé le blessé à 13h49. Déclenché à 14h01, un Smur de Charente, que les gendarmes ont renoncé à escorter jusqu'au bout face à "l'hostilité" de certains manifestants, a rejoint la victime à 14H57; elle a été héliportée vers l'hôpital de Poitiers à 16H34.
"Non, les secours n'ont pas été empêchés par les forces de l'ordre", a répété mercredi au Sénat le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin.
- Une grenade par seconde -
De 6.000 à 8.000 personnes selon les autorités, 30.000 selon les organisateurs, ont manifesté samedi.
Dans deux rapports, préfecture et gendarmerie défendent une riposte ciblée et proportionnée face à 800 à 1.000 manifestants "radicaux".
La LDH dénonce au contraire "un usage immodéré" de la force sur l'ensemble des manifestants, dès qu'ils ont approché la réserve d'eau. Les organisateurs ont dénombré 200 blessés, dont au moins une personne éborgnée en plus des deux manifestants dans le coma.
D'après les chiffres officiels, 5.015 grenades lacrymogènes ont été tirées, soit environ une par seconde. La gendarmerie a eu recours aussi à 89 grenades de désencerclement de type GENL, 40 dispositifs déflagrants ASSR et 81 tirs de LBD.
M. Darmanin a engagé la dissolution du mouvement des Soulèvements de la Terre, l'un des organisateurs avec le collectif "Bassines non merci" et le syndicat agricole Confédération paysanne.
Ces derniers ont appelé à se rassembler devant toutes les préfectures jeudi à 19H00 "pour la fin des violences policières".
En réponse, le ministère de l'Intérieur a demandé aux préfets de renforcer la sécurité des préfectures, avec un total de 16.000 à 20.000 manifestants attendus sur 80 sites dans toute la France (hors Paris).