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Ils ont bien participé au trafic, mais contestent tout rôle de leader: trois des six hommes jugés aux assises pour trafic de cocaïne dans le port du Havre ont minimisé mercredi, via leurs avocates, leur rôle dans ce vaste réseau international, à l'issue de la première journée d'audience.
Plus rapides que prévus, les débats se sont achevés à la mi-journée et reprendront jeudi matin.
La cour d'assises spéciale du Nord dispose de 15 jours pour déterminer la place exacte de chacun dans ce trafic, consistant à réceptionner des centaines de kilos de cocaïne dans le port, avec l'aide de dockers corrompus, pour les livrer à des mafias.
Jugés pour importation et trafic de produits stupéfiants en bande organisée et association de malfaiteurs, ils n'étaient que cinq dans la salle jeudi, regard fermé, bras croisés. Quatre d'entre eux, en récidive, encourent la réclusion criminelle à perpétuité.
Absent "sans excuse valable", le dernier accusé, Aziz Sallami, 29 ans, soupçonné de s'être ponctuellement allié à l'équipe, sera "jugé par défaut".
Parmi les accusés, trois délinquants des quartiers populaires du Havre en détention provisoire: Mohamed Mellal, 31 ans, Youssef Boukhari Sardi, 40 ans, et Karim Djemel, 42 ans. Ils sont soupçonnés d'être les "donneurs d'ordre" associés de ce réseau local, qui opérait pour des organisations internationales.
- "Argent facile" -
M. Boukhari Sardi a promis à l'audience d'être "le plus sincère possible". "C'est un petit dealer qui s'est fait embarquer dans quelque-chose qui l'a dépassé. Il n'a pas su s'en sortir", a insisté son avocate, Me Caroline Dereme, après l'audience.
Même défense pour Karim Djemel, dont le conseil, Me Valérie Giard, affirme qu'"il s'est peut-être laissé un petit peu aveugler par l'argent facile".
Quant à Mohammed Mellal, "il ne dénie pas ses responsabilités, mais à la hauteur qui est réellement la sienne", a affirmé son avocate Me Anne-Laure Compoint.
Près de six ans après les faits, les deux autres accusés présents comparaissent libres sous contrôle judiciaire.
Dione Mendy, 47 ans, ex-scaphandrier et videur de discothèque devenu patron d'une entreprise de BTP, est soupçonné d'être "John", celui à qui la drogue était destinée. Il a juré pendant l'enquête n'avoir "rien à voir" avec l'affaire.
Louis Bellahcène, 56 ans, ex-gérant d'une entreprise de tuyauterie en invalidité, est lui suspecté d'avoir servi d'intermédiaire entre les malfrats et ses précieux contacts sur les docks. "Les gens pensent que je suis le roi du port" mais ce ne sont que "des bavardages", a-t-il assuré pendant l'instruction.
Lors des interrogatoires, Dione Mendy et lui ont peiné à justifier leur train de vie: nombreux véhicules, vêtements de marque, biens immobiliers ou achats en espèces.
- Sur écoute -
Tous vivaient ou gravitaient dans le quartier historique des dockers, "Les Neiges", enclavé dans la zone portuaire. Ils fréquentaient les mêmes bars, s'y laissaient messages et colis.
L'enquête débute en janvier 2017, quand la police est mise sur la piste d'un trafic international de stupéfiants en provenance d'Amérique du Sud.
L'installation de micros dans les logements de l'équipe ciblée leur permet d'entendre les suspects détailler leurs activités criminelles: modes opératoires, complices et opérations à venir.
A partir des seules conversations, 1,3 tonne de cocaïne et 445 kilos de résine de cannabis seront saisis sur plusieurs bateaux.
Ces écoutes sont "le socle du dossier", a souligné mercredi le président de la cour.
Il en ressort que le groupe était chargé "d'extraire la cocaïne des containers", en s'assurant les services des dockers ou des conducteurs de camions, déroule-t-il.
Avec un prix au kilo entre 2.500 et 4.000 euros, les employés portuaires haut placés pouvaient toucher jusqu'à 150.000 euros, les chauffeurs de "cavaliers" (chariots soulevant les containers), 50.000.
Huit personnes, dont des personnels portuaires, ont déjà été condamnées en correctionnelle et trois relaxées.
Ce trafic n'était pas "sans risque", souligne le président de la cour: un docker mis en examen a été retrouvé mort en 2020 après un enlèvement à son domicile. L'instruction est en cours.