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La rémunération de nombreux livreurs indépendants n'atteint pas le Smic horaire en France si l'on prend en compte le temps passé à attendre les commandes, malgré de récents accords destinés à fixer un seuil minimal, montre une enquête inédite de l'autorité de régulation du secteur.
A peine plus de 10 euros chez Uber Eats (repas), leader du marché avec 60.000 livreurs en France, 11,3 euros chez Stuart (colis)... Cette rémunération horaire est inférieure à celle du Smic, fixée à 11,65 euros brut.
Chez Deliveroo (autre gros acteur de la livraison de repas, avec 20.000 livreurs), elle s'élève à 16,8 euros brut et chez Delicity, à 14 euros, selon ce rapport de l'Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (ARPE), consulté mercredi par l'AFP.
Ce revenu moyen a baissé depuis 2021, quelle que soit la plateforme considérée, selon cette enquête basée sur les chiffres publiés par les sociétés de livraison.
Or, une fois cette rémunération touchée, le livreur, qui est auto-entrepreneur, doit encore payer son véhicule (scooter, vélo électrique), son assurance et des cotisations sociales.
"C’est un sujet qui doit questionner les partenaires", du côté des plateformes comme des syndicats de professionnels, estime auprès de l'AFP Joël Blondel, directeur général de l'ARPE.
En avril 2023, les plateformes de livraison, comme Uber Eats et Deliveroo, avaient signé un accord garantissant aux livreurs un revenu minimal horaire, fixé à 11,75 euros brut. Mais sans comptabiliser le temps d'attente entre deux commandes.
Si Deliveroo reconnaît que le revenu moyen à la course a très légerement baissé (de 5,60 euros à 5,50 euros en 2023), la plateforme estime que le temps d'attente ayant également baissé de 18% entre 2022 et 2023, la rémunération globale n'a pas été impactée, déclare Julien Lavaud, directeur des relations externes, à l'AFP.
En outre, les données recueillies par l'ARPE "ne sont pas agrégées", analyse M. Lavaud. Or, les livreurs travaillant souvent pour plusieurs plateformes, le calcul du temps d'attente est biaisé car le livreur peut avoir "d'autres opportunités" de livraison venant d'autres plateformes dans l'intervalle.
- La clé : l'algorithme -
Plateformes et livreurs ont entamé fin septembre un cycle de négociations dans le secteur, qui va achopper selon Ludovic Rioux, de la CGT, "les plateformes (refusant) de discuter de la rémunération".
Ce système "fabrique des travailleurs extrêment pauvres : à dix euros brut de l'heure, vous ne vivez pas", tance Fabian Tosolini, d'Union-Indépendants, qui menace aussi d'une "rupture des négociations".
Une expertise qui porte sur "la transparence de l'algorithme est en cours" et les plateformes en "attendent les résultats" avant de reprendre les discussions sur le sujet de la rémunération, répond un porte-parole de l'association des plateformes d'indépendants (API), qui regroupe Uber Eats, Deliveroo et Stuart, à l'AFP.
"Il y a trop de créations d'entreprises en livreurs : forcément, à un moment donné, ça ne va faire que tirer à la baisse le revenu moyen", alerte de son côté Grégoire Leclercq, président de la Fédération nationale des auto-entrepreneurs (FNAE), interrogé par l'AFP. Il demande donc la création "d'une licence" pour les livreurs à deux-roues.
Le rapport de l'Autorité s'est également intéressé aux véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC): ces professionnels ont vu leurs revenus évoluer différemment en 2023 selon les plateformes.
Les revenus horaires moyens ont baissé chez Freenow (à 16,9 euros de l'heure) et Heetch (22,9 euros) et sont restés stables, sans suivre l'inflation, chez les leaders du secteur Uber (39 euros) et Bolt (36,1 euros) et Le Cab (41,7 euros). Ils ont augmenté du côté de Caocao (55,5 euros), Marcel (41,8 euros) et des services premium Allocab (84,5 euros) et Blacklane (108,1 euros).
Les plateformes de VTC ont aussi conclu en décembre 2023 des accords avec les chauffeurs pour revaloriser leur rémunération, à neuf euros net minimum par course, un euro par kilomètre parcouru et 30 euros l'heure d'activité.