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"Ils ont tous dit que j'étais nul, insubordonné": Gabriel Fortin a dénoncé jeudi une "enquête à charge" sur sa personnalité, devant la cour d'assises de la Drôme qui le juge pour l'assassinat en 2021 d'une cadre de Pôle Emploi et de deux anciennes DRH qui l'avaient licencié.
Gabriel Fortin a été mutique tout au long de l'enquête, depuis son interpellation dans les minutes qui suivent le dernier homicide pour lequel il est poursuivi, le 28 janvier 2021.
La cour s'attèle pourtant à essayer de faire parler cet homme, attentif aux débats dans le box des accusés, mais peu enclin jusque-là à s'exprimer en dehors d'une diatribe au premier jour de son procès, mardi.
Il réagit quand le président le questionne en conclusion de l'enquête de personnalité. "J'ai trouvé que c'était une enquête à charge", énonce Gabriel Fortin.
Il déplore que tous ceux qui ont parlé allaient dans le même sens: "ils ont tous dit que j'étais nul, insubordonné, psychopathe et paranoïaque". "Vous voulez compléter ?", demande le président. "Non merci".
Les avocats de la partie civile ne tirent rien de lui. L'avocat général Laurent de Caigny prend alors le relais, l'approche prudemment, le remercie de l'avoir "corrigé justement" le matin même. Une question sur son premier emploi en Allemagne, qu'il semblait bien aimer, ne trouve pas réponse.
Nouvelle tentative, cette fois sur les milliers de dossiers informatiques tenus par Gabriel Fortin et retrouvés après des perquisitions. Déjà le matin, l'accusé avait réagi, les qualifiant "d'origine douteuse".
"Ce sont des dossiers dématérialisés, des fichiers donnés à la juge d'instruction par un technicien. C'est pas un scellé, je suis désolé monsieur", poursuit alors Gabriel Fortin. "Il y a des choses corrompues". Gabriel Fortin cite alors une cote du dossier, la retranscription d'une conversation téléphonique trouvée dans ces dossiers. "Mais cette conversation je l'ai eue en 2010 ou 2012, ça veut dire que mon téléphone était écouté". Une preuve selon lui de cette certitude qui l'anime d'être poursuivi, espionné, depuis des années.
- "Persécution" -
Des milliers de pages de documents, informatiques mais aussi manuscrites, écrites par l'accusé et saisies pendant l'enquête, ont été décortiquées. Des notes où l'accusé se nomme lui-même "GF", une montagne documentaire "inversement proportionnel(le) à son mutisme" pendant les investigations, note le commandant de police qui a dirigé les investigations.
Tenus depuis son entrée dans la vie active, ils éclairent sur le "mode de fonctionnement" de Gabriel Fortin, selon l'enquêteur: "il est la victime des autres".
De l'analyse d'une émission de télévision aux fichiers relatifs à ses dépenses et ses déplacements, qui se sont avérés utiles pour retracer son périple meurtrier, en passant par des "analyses philosophiques", tous les thèmes sont abordés "animaux, nourriture, voitures...".
"Je note ce qui m'intéresse", expliquera laconiquement Gabriel Fortin à son avocat.
La "masse de fichiers", parmi lesquels les enquêteurs retrouvent trace de plaintes et récriminations adressées par Gabriel Fortin à diverses autorités, magistrats, élus, même ministres, sous forme de courriers et emails, renforce le "sentiment" dont fait état le directeur de l'enquête: "une forme de paranoïa de persécution, cette impression d'être suivi".
Ce sont sur ces plaintes que les avocats de la défense interrogent leur client. Elles n'ont mené à "rien, rien, rien", martèle Gabriel Fortin. Il concède à son avocat Me Romaric Chateau une souffrance par rapport à l'injustice vécue.
"Vous avez confiance en la justice ? Non c'est évident, au bout des dizaines d'années, c'est évident", assène Gabriel Fortin, avant de se renfermer.
Après les éléments de personnalité, les débats jeudi après-midi se sont poursuivis avec l'étude des faits commis le 26 janvier 2021, l'assassinat d'Estelle Luce et la tentative d'assassinat sur un de ses anciens collègues, dans le Haut-Rhin, première étape du périple meurtrier. Tous deux avaient participé au licenciement, en 2006, de Gabriel Fortin qui travaillait alors dans l'Eure-et-Loir.
Le procès de celui qui est surnommé "le tueur de DRH" par la presse doit s'achever le 30 juin.