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Sur la piste cyclable la plus empruntée de Paris, chacun trace sa route

Yeux grands ouverts, sourcils froncés, mains agitées sur les sonnettes, chacun trace sa route sur la piste cyclable la plus empruntée de Paris, en essayant de mettre le moins possible pied à terre, au détriment parfois de la prudence.

Entre la place du Châtelet et la gare de l'Est, la piste du boulevard de Sébastopol, une langue de bitume rectiligne de plus d'un kilomètre, est rapidement devenue, depuis sa création en 2019, un point névralgique pour la circulation des vélos au cœur de Paris.

Selon la mairie, elle enregistre en moyenne plus de 13.000 passages quotidiens de vélos, avec un record de plus 26.000 le 10 novembre dernier, jour de grève dans les transports.

Une fréquentation trop élevée au vu de l'étroitesse de cette piste à double sens, qui cristallise les tensions entre les différents usagers.

- Brûler le feu -

Si "la route est le premier réseau social de France", explique de façon imagée Anne Lavaud, déléguée générale de l'association Prévention Routière, paradoxalement "on communique de moins en moins dans la rue". "On s'enferme dans notre bulle et on fini par s'aboyer dessus", dit-elle à l'AFP.

A une intersection centrale, un camion veut tourner à gauche tandis qu'un vélo continue sur le boulevard sans ralentir. Les deux usagers poursuivent leur chemin jusqu'à l'ultime seconde avant la collision. Le cycliste cède et freine mais n'oublie pas d'invectiver le camionneur au passage - "dégage!" - avant de poursuivre sa route.

Sam Hammersy, 30 ans, qui fait partie des "vélotaffeurs", ces cyclistes qui utilisent le vélo pour se rendre au travail, connaît bien cette piste. Pour ce banquier, "si tout le monde obéissait aux règles, la congestion" du trafic n'y "serait pas ce qu'elle est" aujourd'hui.

Depuis quelques mois, le feu piéton installé au niveau de la rue Etienne-Marcel a été remplacé par un feu avec des pictogrammes de piéton et de vélo. Mais beaucoup de cyclistes ne se sentent pas concernés et tentent toujours la traversée du carrefour au rouge.

En une dizaine de minutes, plus de 25 vélos brûlent le feu. Certains s'arrêtent juste à temps lorsque le danger surgit, faisant crisser leurs freins.

"C'est le bordel", rigole un cycliste alors que le conducteur d'une petite voiture bloquée entre la piste et le boulevard accélère sur place pour montrer son agacement. Un large nuage de fumée noire sort alors du pot d'échappement en direction des cyclistes.

- Gare à l'heure de pointe -

A 18h15, les lampadaires s'allument et les files de vélos s'allongent. Vingt à 30 bicyclettes se suivent de près dans un concert de sonnettes.

Emportés par les roues des prédécesseurs, rares sont les cyclistes qui s'arrêtent pour laisser passer les piétons.

"Le soir à 19h00, je fais ma prière", confie à l'AFP Natacha, 48 ans, casque rutilant sur la tête, qui a commencé le vélo après la pandémie de Covid. "C'est exactement le même comportement qu'en voiture", déplore-t-elle.

Parfois, les esprits s'échauffent, comme lorsqu'un cycliste et un scooter se frôlent. Les deux hommes s'arrêtent en pleine voie, le cycliste frappe le conducteur casqué qui, en réponse, se saisit du vélo et le jette sur le bitume. Une riveraine est obligée de dévier la circulation...

"Il faut doubler la piste cyclable (...) et enlever une file de voitures", demande Jean-Sébastien Catier, président de l'association de promotion du vélo Paris en Selle.

Dès octobre 2020, soit un an après l'inauguration, l'adjoint aux mobilités David Belliard annonçait un élargissement de la piste, "déjà trop petite pour le nombre de vélos qui y passent". Mais le projet est au point mort.

David Belliard espère que la fin des travaux sur une piste cyclable parallèle, dans les rues de Beaubourg et du Renard, permette de "désengorger" Sébastopol.

Depuis 2021, la capitale pérennise ses 52 km de "coronapistes", créées pendant le confinement. Avec un budget croissant consacré au vélo, désormais utilisé pour 7% des déplacements, contre moins de 5% avant la crise sanitaire.

La fréquentation des pistes y a augmenté de 9% au troisième trimestre 2022 par rapport à 2021.

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