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Les évêques de l'Eglise catholique portugaise ont officiellement demandé pardon vendredi aux victimes de pédocriminalité à la suite de la publication d'un rapport accablant pour l'institution, sans toutefois prendre les mesures fortes réclamées par les milieux progressistes.
"C'est avec douleur qu'encore une fois nous demandons pardon à toutes les victimes d'agressions sexuelles au sein de l'Eglise catholique au Portugal", a indiqué la Conférence épiscopale portugaise (CEP) dans un communiqué lu à l'issue d'une réunion dans la ville-sanctuaire de Fatima (centre).
Un "geste public" exprimant cette demande de pardon sera organisé à Fatima au mois d'avril, et un mémorial sera érigé à l'occasion des Journées mondiales de la jeunesse, grand rendez-vous catholique international qui se tiendra à Lisbonne début août.
Les évêques portugais s'étaient engagés à prendre des "mesures concrètes" en réponse aux conclusions d'une commission indépendante qu'ils avaient nommée fin 2021 pour faire la lumière sur le phénomène de la pédocriminalité au sein de l'Eglise.
Après avoir recueilli plus de 500 témoignages en l'espace d'un an, ce groupe d'experts a établi qu'au moins 4.815 mineurs avaient été victimes de violences sexuelles dans un contexte religieux depuis 1950.
Ces violences ont été dissimulées par la hiérarchie de l'Eglise de façon "systémique", ont-ils ajouté dans un rapport publié le 13 février, suscitant une vive émotion dans un pays où 80% de la population se définit comme catholique.
- "Changer la culture de l'Eglise" -
"Il faut changer la culture de l'Eglise", a reconnu le président de la CEP, l'évêque de Leiria-Fatima, José Ornelas, lors d'une conférence de presse. S'il a promis "un soutien aux victimes qui le souhaitent", il a précisé que d'éventuelles indemnisations devraient être décidées par la justice.
Confronté aux milliers de cas de violences sexuelles impliquant des prêtres mis au jour dans le monde et aux accusations de dissimulation par des membres du clergé, le pape François a promis en 2019 de livrer une "bataille totale" contre la pédophilie au sein de l'Église.
"Face aux abus, et surtout à ceux qui sont commis par des membres de l'Eglise, il ne suffit pas de demander pardon", a-t-il déclaré dans un message diffusé jeudi sur Twitter, appelant à des "actions concrètes" adressées aux victimes.
La commission indépendante portugaise avait suggéré la création d'une nouvelle instance pouvant assurer un suivi de cette thématique, le respect d'un "devoir moral de dénonciation" des agresseurs sexuels ou l'abolition des confessionnaux fermés, un des lieux où ces violences ont été souvent commises.
Vendredi, les évêques se sont mis d'accord sur la création d'une commission "à caractère indépendant" composée "par des personnes n'appartenant pas à la hiérarchie de l'Eglise", a indiqué Mgr Ornelas.
- "Aucune compassion" -
La conférence épiscopale a en outre reçu des experts indépendants une liste des agresseurs présumés cités dans les témoignages qu'ils avaient recueilli, mais Mgr Ornelas s'est montré prudent sur la suite à donner à ces dossiers.
"Nous n'avons reçu qu'une liste de noms sans description de la nature des accusations. (...) Chaque évêque devra décider des mesures à prendre à la lumière du droit civil et canonique", a-t-il dit.
Dans une lettre ouverte rendue publique jeudi, plusieurs organisations et personnalités des milieux catholiques progressistes avaient appelé les évêques à mettre en œuvre l'essentiel des recommandations de la commission indépendante.
Ce groupe s'était également prononcé en faveur du départ des "évêques dissimulateurs" et de la suspension des membres du clergé soupçonnés d'agressions sexuelles qui sont toujours au service de l'Eglise.
"Je n'ai rien vu de concret. (...) On ne ressent aucune compassion chez ces gens", a commenté après l'intervention de Mgr Ornelas une des signataires de cette lettre, Lisete Fradique, sur la télévision SIC.
"Je prie pour cette Eglise qui souffre… Je suis triste de savoir que cette Eglise est si pécheresse. J'espère que cela marquera l'histoire de l'Eglise et qu'à partir de maintenant il sera plus facile de se plaindre", a témoigné à l'AFP, une croyante de 58 ans venue à Fatima depuis le nord du Portugal.