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Le député de l'Essonne Jérôme Guedj, ex-frondeur, est devenu l'un des piliers du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, où il a mis en difficulté le ministre du Travail Olivier Dussopt, en vérifiant minutieusement ses déclarations, lors du débat sur les retraites.
Le 16 février, alors que l'Assemblée nationale est en effervescence sur le projet de réforme des retraites, le député va réclamer à la direction de la Sécurité sociale des documents sur les conséquences de la réforme, en sa qualité de vice-président de la Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale à l’Assemblée nationale.
Dans l'hémicycle, chiffres à l'appui, il met en cause la "sincérité" des données avancées par le ministre du Travail, notamment sur le nombre de personnes qui bénéficieront de la retraite à 1.200 euros brut mensuel, provoquant la fureur de celui-ci.
"Vous perdez les pédales depuis quelques jours", lui lance Olivier Dussopt, refusant de "rendre compte" de la manière dont il a fait ses prévisions.
Jérôme Guedj poursuit ensuite son travail de vérification des faits en mettant au jour une note du Conseil d’Etat, qui émet des doutes sur la constitutionnalité de plusieurs dispositions du texte gouvernemental.
"C'est l'un des moments où le Parlement a pu prouver qu'il était indépendant", note le député PS Arthur Delaporte. "On était très fier".
A 51 ans, l'ex-président du Conseil général de l'Essonne(2011-2015), et conseiller régional d'Ile-de-France depuis 2021, est revenu sur le devant de la scène politique lors des législatives de juin, en battant l'ex-ministre macroniste Amélie de Montchalin dans la 6e circonscription de l'Essonne.
Une circonscription qu'il avait déjà représentée de 2012 à 2014, comme suppléant de François Lamy, alors ministre sous François Hollande.
L'ex-élève de Sciences-Po et de l'ENA, entré à l'Inspection générale des Affaires sociales, a les cheveux plus courts qu'à l'époque mais le menton toujours carré et décidé. Dans l'hémicycle, il est de ceux qu'on entend.
- "Melenchon 1ère langue" -
"Chez lui, le fait de gueuler ne cache pas une méconnaissance des dossiers", remarque le député insoumis Hadrien Clouet. "C'est le plus proche de ce qu'on essaie de faire" au sein du groupe insoumis.
"Jérôme Guedj parle le Mélenchon 1ère et 2e langue", note Arthur Delaporte, car il a été son assistant parlementaire au Sénat et a milité auprès de lui lorsque le leader insoumis était élu dans l'Essonne.
Mais les deux hommes se sont fâchés quand Jean-Luc Mélenchon a quitté le PS avec fracas en 2008. Ils se sont retrouvés en mai -même s'ils n'ont plus de relations personnelles- avec la création de la Nupes.
Cette alliance est "une cure de jouvence" qui "nous a lavés des erreurs de la gauche qui s'était fourvoyée", expliquait récemment M. Guedj à l'AFP.
Car lors de son premier passage à l'Assemblée nationale, M. Guedj a été de ces "frondeurs" socialistes qui, en avril 2014, avaient refusé d'accorder leur confiance au gouvernement de Manuel Valls.
Il "garde cette culture Gauche socialiste (ex-courant de Jean-Luc Mélenchon et Julien Dray), un côté +agit-prop+", souligne un député socialiste, qui note que "quand il est arrivé en juin, certains anciens députés le regardaient avec méfiance.
"Chaque matin, je me lève en me disant qu'en 2027 le Rassemblement national va gagner" et "qu'il faut qu'on l'empêche" avec l'union de la gauche, défend Jérôme Guedj.
Au sein du PS, où l'alliance avec la France insoumise ne fait pas l'unanimité, certains le considèrent comme "un individualiste", "attiré par les médias", rapporte un élu. "Il a une forte personnalité mais ce n'est pas un chef d'équipe dans le groupe".
"C'est sûr qu'il n'est pas toujours d'accord avec ce que son groupe défend", souligne un Insoumis.
Mais pour le député écologiste Benjamin Lucas, Jérôme Guedj "fait aujourd'hui partie de ceux qui ont un rôle à jouer dans la crédibilité" de la Nupes.
L'Insoumise Raquel Garrido, qui le connaît depuis 30 ans, abonde: "Il utilise intelligemment les liens historiques qu'il a avec certains d'entre nous" pour faire tenir l'alliance.