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Le Sénat à majorité de droite devrait entrer vendredi soir dans le dur de la réforme des retraites, avec un débat attendu sur l'extinction des régimes spéciaux. Le bras de fer social se tend déjà: une grève reconductible a débuté dans la filière énergie.
Le mouvement chez les électriciens et gaziers a démarré vendredi avec des baisses de production d'électricité dans plusieurs centrales nucléaires pour protester contre "le débat qui s'ouvre au Sénat" sur les régimes spéciaux, a annoncé la CGT.
Ces baisses de production, très encadrées par le gestionnaire du réseau de lignes à haute et très haute tension RTE, n'entraînent généralement pas de coupures pour les clients.
Dans l'hémicycle, après le rejet dans la matinée d'une demande de référendum portée par la gauche, les discussions ont repris en fin d'après-midi à un rythme de sénateur et se poursuivront tout le weekend.
"Nous ne prendrons pas la mauvaise potion que vous voulez nous donner", a prévenu la socialiste Laurence Rossignol: cette réforme, c'est "9 volumes de vinaigre pour un volume de glucose, même pas de sirop".
Les sénateurs ont débuté par l'article liminaire sur les prévisions de déficit, toujours pas voté après plus de trois heures de discussion du fait des nombreuses interventions de la gauche. Le socialiste Victorin Lurel a reproché à ses collègues de droite d'être "un peu assoupis".
Le débat a été égayé lorsque la communiste Eliane Assassi s'est empêtrée dans les articles du règlement. "Hier vous nous en avez inventé un (article, NDLR), la place est à l'imagination", a plaisanté le président du Sénat Gérard Larcher (LR), l'oeil rivé sur l'horloge pour faire respecter les temps de parole.
Les échanges risquent de se tendre en soirée, puis samedi, quand les sénateurs vont aborder l'article premier sur la disparition progressive des régimes spéciaux de la RATP, des industries électriques et gazières, de la Banque de France ou des clercs et employés de notaire.
La gauche s'oppose à leur suppression.
Et, tandis que le projet du gouvernement prévoit leur disparition seulement pour les futurs embauchés, le chef des sénateurs LR, Bruno Retailleau, souhaite, lui, qu'ils soient aussi supprimés pour les salariés actuels.
Il a déposé un amendement en ce sens, qui ne sera toutefois pas examiné avant le débat sur l'article 7 de la réforme: la mesure-phare du texte reportant l'âge légal de départ en retraite à 64 ans.
- Forte mobilisation attendue -
"Mon amendement propose une convergence (entre les régimes, NDLR) jusqu'en 2040, il n'y a rien de brutal alors que pour tous les Français, à partir du 1er septembre, la réforme commencera progressivement à s'appliquer", argumente-t-il.
Le gouvernement est contre et l'amendement Retailleau pourrait être rejeté, faute de soutien des centristes.
Le Sénat a jusqu'au 12 mars à minuit pour tenter d'achever la première lecture des 20 articles du texte et les près de 4.000 amendements.
Avec dans toutes les têtes le 7 mars, grande journée de mobilisation contre la réforme, durant laquelle l'intersyndicale appelle à mettre la France "à l'arrêt".
De source policière, les services de renseignements attendent entre 1,1 et 1,4 million de manifestants en France mardi dont 60.000 à 90.000 à Paris. Dans la capitale, le cortège défilera de Sèvres-Babylone à Place d'Italie. 320 rassemblements sont prévus dans toute la France, d'après une autre source policière.
Signe des importantes perturbations à prévoir, le ministre des Transports Clément Beaune a appelé vendredi tous les Français qui le peuvent à télétravailler. L'opérateur des transports franciliens Ile-de-France Mobilités a annoncé offrir le covoiturage aux passagers inscrits sur certaines plateformes.
A la veille de cette grève, la Première ministre Elisabeth Borne interviendra sur France 5 dans l'émission "C à vous".
Vendredi matin, les sénateurs ont sans surprise largement rejeté, par 251 voix contre 93, une demande de référendum portée par la gauche, une procédure rare au Sénat, où la dernière motion référendaire remontait à 2014.
"Le bon sens, c'est retirer cette réforme, à défaut d'avoir le courage de la présenter devant les Français", a estimé le chef des sénateurs PS Patrick Kanner.
En réponse, le ministre du Travail Olivier Dussopt a défendu la "légitimité" de la "démocratie représentative et du Parlement.