Partager:
C'est un phénomène qu'ont repéré plusieurs sociologues français: les jeunes diplômés ont de plus en plus de mal à trouver un travail à la hauteur de leurs ambitions. Depuis plus de 30 ans, les pouvoirs publics ont favorisé l'accès au plus grand nombre aux études supérieures. Résultat, il y aurait aujourd'hui une surproduction d'élites. Le paradoxe, c'est qu'on est presque revenus au XIXe. Pour réussir dans la vie, les diplômes ne suffisent plus, il faut être "bien né" et avoir des relations.
Ça touche en France ce qu'on appelle les Bac+5. En d'autres termes, les étudiants qui ont accompli et réussi 5 ans d'études après leur diplôme de fin de secondaires. Ils sont détenteurs d'un master. Théoriquement, avec un tel niveau, l'accès à l'emploi et à un salaire confortable devrait être garanti. C'est un peu la promesse qu'on fait aux jeunes.
Mais la promesse n'est pas tenue. Il suffit de regarder les chiffres: en 1970, 6% des Français occupaient un poste de cadre et 6% des jeunes avaient suivi des études supérieures. À l'époque, il n'y avait pas de problème. J'ai rencontré des gens dans ma carrière qui sont aujourd'hui à la retraite, ils me disaient: "Quand j'ai passé mon entretien d'embauche en 1969, j'étais le seul candidat. Ça a pris 10 minutes et on m'a dit 'Vous commencez lundi'. Le salaire était correct, j'ai pu louer un appartement en ville et m'acheter une voiture."
Les chiffres d'aujourd'hui, en France, sont impitoyables: 18% des salariés sont des cadres, mais 36% des jeunes ont décroché un diplôme du supérieur. Résultat, on estime qu'un grand nombre de travailleurs détiennent un niveau d'étude trop important par rapport à la fonction qu'ils occupent. Cela génère déception et frustration.
Comme l'a écrit le géographe Hervé Le Bras: "Les personnes qui ont des diplômes n’ont pas les positions sociales qui correspondaient à ces diplômes une génération avant." Alors évidemment, les journaux télévisés regorgent de portraits de ces jeunes en pleine réussite qui ont créé leur start-up et voyagent à Singapour… mais c’est l’arbre qui cache la forêt.
Le quotidien de bien des diplômés, c’est plutôt l’envoi de centaines de candidatures qui ne débouchent sur aucun entretien. Au mieux, un ou deux qui n’aboutissent pas.
Dans un article du Figaro, une jeune femme s’étonne: "Qu'est-ce qui ne va pas dans mon CV?" Elle a accepté de quitter la Bretagne pour Paris, elle dispose d’un bon diplôme en marketing digital, elle a fait des stages et a même décroché un CDD d’un an, mais depuis, plus rien.
130 CV et pas de réponse. Le problème, c’est que sa famille, modeste, n’a pas de relations. Son école de province a peu de réseau ou d'anciens élèves influents.
Et quand ils trouvent un emploi, ses condisciples sont payés au lance-pierre. Exemple: comme débutants, un peu plus de 1.700 euros net par mois. Ce n'est pas demain qu’ils achèteront un appartement à Paris où le prix moyen est de 10.000 euros le mètre carré.
Quand j’étais gamin, on disait aux enfants: "Si tu ne travailles pas l’école, t’iras à l’usine." Oui… sauf qu’il n’y a plus d’usine!


















