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Cela n'était pas arrivé en 100 ans: pagaille au Congrès américain, les républicains incapables d'élire un "speaker"

Les élus de la Chambre américaine des représentants ont clos mardi leur séance sans être capables d'élire un président, de fortes tensions dans les rangs républicains plongeant le Congrès dans l'incertitude.

Grand favori pour remplacer Nancy Pelosi, le quinquagénaire Kevin McCarthy n'était pas parvenu après trois votes successifs à calmer la fronde émanant d'un groupe de trumpistes qui le jugent trop modéré. Les élus se sont accordés pour suspendre leurs votes jusqu'à mercredi matin -- le temps de négocier en coulisses.

Les républicains, qui se sont emparés de la majorité à la chambre basse aux élections de novembre, avaient promis d'user de leur nouveau contre-pouvoir en ouvrant une série d'enquêtes sur le président américain Joe Biden.

Mais le lancement de telles hostilités est paralysé par ces querelles internes: les élus de la Chambre des représentants ne peuvent pas officiellement prêter serment, et donc ouvrir quelconque investigation, tant qu'un président n'est pas désigné.

Donald Trump a critiqué en fin de journée une "agitation superflue" au sein d'un parti dont il souhaite obtenir l'investiture afin de reconquérir la Maison Blanche en 2024.

218 voix 

L'élection du "speaker", le troisième personnage le plus important de la politique américaine après le président et le vice-président, nécessite une majorité de 218 voix. Un seuil que Kevin McCarthy ne parvenait pas à atteindre, une vingtaine d'élus trumpistes ayant décidé de jouer les trouble-fête.

"Il ne faut pas le prendre personnellement, mais l'avenir de notre pays en dépend", a assuré Chip Roy, turbulent élu du Texas.

La candidature de M. McCarthy est pourtant largement soutenue au sein de son parti: l'annonce de sa nomination mardi dans l'hémicycle a été reçue par une grande ovation debout dans les rangs républicains.

Au début du troisième tour, un certain agacement commençait à se faire sentir, les républicains les plus modérés exhortant leurs collègues à se ranger autour de Kevin McCarthy. "Nous sommes venus ici pour accomplir des choses", a plaidé le chef du groupe républicain, Steve Scalise, à quoi les démocrates ont opposé des rires.

Tout au long de cette procédure, le parti de Joe Biden a fait bloc depuis autour de la candidature du chef démocrate Hakeem

Jeffries, applaudissant régulièrement l'élu de New York aux sons de "Hakeem, Hakeem, Hakeem!".

Mais l'élu ne dispose pas non plus d'assez de voix pour accéder au perchoir.

L'élection d'un président de la Chambre des représentants pourrait être l'affaire de quelques heures... ou de plusieurs semaines: en 1856, les élus du Congrès ne s'étaient accordés qu'au bout de deux mois et 133 tours.

Kevin McCarthy semble vouloir donner des gages à cette frange conservatrice pour éviter que l'histoire ne bégaie: en 2015, il avait déjà échoué de peu à devenir président de la Chambre des représentants face à une fronde de l'aile droite du parti.

Mais il ne peut pas se permettre d'aller trop loin et de s'aliéner les républicains modérés.

Bien que sa marge de manoeuvre soit réduite, il n'a pour l'instant pas de concurrent crédible. Seul le nom de l'élu de l'Ohio Jim Jordan circule comme possible alternative, sans que ses chances ne semblent sérieuses.

Aubaine pour Biden? 

Avec les républicains majoritaires à la Chambre, Joe Biden et les démocrates ne pourront pas faire passer de nouveaux grands projets.

Mais avec un Sénat aux mains des démocrates, leurs rivaux non plus.

Se retrancheront-ils dans une opposition systématique? Il faudrait pour cela qu'ils arrivent à faire bloc, alors que certains de leurs élus ont - comme lors du vote du budget avant Noël - voté avec les démocrates.

L'élection du "speaker" sert donc aussi à mesurer leur capacité de nuisance pour le président.

Etre face à une Chambre hostile pourrait se révéler être une aubaine politique pour Joe Biden, s'il confirme son intention de se représenter en 2024 -- décision qu'il doit annoncer en début d'année.

Le président s'est d'ailleurs bien gardé de commenter les dissensions républicaines, sa porte-parole Karine Jean-Pierre assurant que le dirigeant démocrate ne se "mêlerait pas de ce processus".

En cas de paralysie législative, il rejettera sans aucun doute la faute du blocage sur des républicains fragilisés, espérant ainsi tourner la situation à son avantage.

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