Partager:
Le procès d'Ales Bialiatski, un militant bélarusse pour la démocratie emprisonné, colauréat du prix Nobel de la paix 2022, a commencé jeudi à Minsk, a annoncé le centre Viasna qu'il a fondé, le principal groupe de défense des droits humains dans son pays.
M. Bialiatski ainsi que ses collaborateurs jugés avec lui Valentin Stefanovitch et Vladimir Labkovitch (BIEN Stefanovitch et Labkovitch), ont comparu dans la cage réservée aux accusés, selon des images de l'agence de presse russe RIA Novosti. Les trois hommes sont détenus depuis juillet 2021.
Ales Bialiatski, 60 ans, les cheveux blancs et portant un sweatshirt noir, était assis en première ligne, ses deux compagnons se tenant derrière lui, l'air abattu ou somnolent dans la cage entourée de quatre policiers armés.
Initialement inculpés d'évasion fiscale, il sont désormais accusés d'avoir fait entrer de grandes quantités d'argent liquide au Bélarus et d'avoir "financé des actions collectives portant gravement atteinte à l'ordre public", a expliqué Viasna en novembre, précisant qu'ils risquaient de sept à 12 ans de prison.
Tous trois ont plaidé non coupable jeudi.
M. Bialiatski, qui a créé en 1996 Viasna ("printemps"), a reçu le prix Nobel de la paix aux côtés de deux autres organisations de défense des droits de l'homme, Mémorial (Russie) et le Centre pour les libertés civiles (Ukraine).
Ses deux collaborateurs et lui ont été emprisonnés après les manifestations massives de 2020 contre le régime à la suite de la victoire unilatéralement proclamée à l'élection présidentielle d'Alexandre Loukachenko, qui dirige le Bélarus depuis 1994.
- Justice de "théâtre" -
Un quatrième accusé, Dmitri Soloviev, est jugé par contumace après s'être enfui en Pologne. "C'est un faux procès", a-t-il déclaré à l'AFP, "je n'ai pas confiance dans ce procès et dans ce qui va s'y passer".
Il a qualifié d'"absurdes" les accusations et de "théâtre" la procédure légale, ajoutant : "La loi n'existe pas au Bélarus. Le processus est entièrement contrôlé par un gouvernement de gangsters".
L'organisation de défense des droits de l'homme Amnesty International a qualifié le procès "d'acte flagrant d'injustice", estimant qu'il s'agissait de "représailles" exercées à l'encontre des accusés pour "leur militantisme".
Le gouvernement de Loukachenko "est particulièrement vindicatif à l'égard des militants défenseurs des droits de l'homme et l'issue du 'procès' semble devoir être impitoyable", a estimé Amnesty International.
Le mouvement de 2020 avait rassemblé des dizaines de milliers de personnes dans les rues de Minsk et d'autres villes pendant des semaines avant d'être progressivement maté à coups d'arrestations massives, d'exils forcés et d'emprisonnements d'opposants, de responsables de médias et d'ONG.
Les Occidentaux ont adopté plusieurs trains de sanctions contre le Bélarus qui jouit en revanche du soutien indéfectible de Moscou.
Ce pays a accepté en retour de servir de base arrière aux troupes russes pour leur offensive contre l'Ukraine déclenchée le 24 février 2022. Mais l'armée bélarusse n'a pas pris part jusqu'à présent aux combats sur le territoire ukrainien.
- Procès en série -
Le procès de Viasna sera suivi par ceux de journalistes indépendants et celui Svetlana Tikhanovskaïa, la figure de l'opposition bélarusse, qui vit en exil.
Lundi prochain doit débuter le procès de plusieurs journalistes du site internet Tut.by, le principal média indépendant du Bélarus, dont la rédactrice en chef Marina Zolotova. Ils font face à une série d'accusations dont celles d'évasion fiscale et d'incitation à la haine. Ce média avait été qualifié d'"extrémiste" en 2021.
Le même jour sera présenté au tribunal de Grodno (ouest) le journaliste et militant bélarusso-polonais Andrzej Poczobut, 49 ans, correspondant à Minsk du journal polonais Gazeta Wyborcza, arrêté en mars 2021. Il est accusé selon Viasna d'incitation à la haine et d'avoir appelé à "des actions visant à porter atteinte à à la sécurité nationale du Bélarus". Il encourt une peine de douze ans de prison.
Le 17 janvier commencera le procès par contumace de Mme Tikhanovskaïa, 40 ans, qui fait face à une multitude de charges dont celles de haute trahison, de conspiration pour prendre le pouvoir de manière inconstitutionnelle et de création et conduite d'une organisation extrémiste.
Candidate à la présidentielle à la place de son mari emprisonné -Sergueï Tikhanovski, un vidéo-blogueur qui avait galvanisé l'opposition-, elle avait revendiqué la victoire à l'élection présidentielle de 2020 et vit dorénavant en exil en Lituanie.
Sergueï Tikhanovski a été condamné en décembre 2021 à 18 ans de prison pour "organisation de troubles massifs", "incitation à la haine dans la société", "troubles à l'ordre public" et "obstruction à la Commission électorale".
Le Bélarus comptait 1.448 prisonniers politiques à la date du 31 décembre, selon Viasna.