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Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a été contraint, sous la pression de la justice, de démettre dimanche de ses fonctions le numéro deux du gouvernement Arié Dery, condamné pour fraude fiscale.
Chef du parti ultra-orthodoxe Shass, la deuxième formation de la coalition de M. Netanyahu, Arié Dery a été nommé ministre de la Santé et de l'Intérieur dans le gouvernement formé fin décembre dans la foulée des élections législatives du 1er novembre.
Mais mercredi, la Cour suprême d'Israël a invalidé sa nomination et rappelé que M. Dery avait annoncé début 2022 son retrait de la vie politique pour éviter la prison après sa condamnation pour fraude fiscale.
"C'est avec un coeur lourd et beaucoup de peine (...) que nous sommes contraints de vous relever de votre poste au gouvernement", a dit M. Netanyahu lors de la réunion hebdomadaire du cabinet à Jérusalem en présence de M. Dery.
Il a ajouté que le jugement "ignorait la volonté du peuple" et qu'il s'efforcerait de trouver un moyen légal pour que M. Dery puisse "contribuer au service de l'Etat d'Israël".
- "Un cirque" -
Sa mise à l'écart du gouvernement fait suite à la décision mercredi de la Cour suprême, la plus haute instance juridique du pays.
Dans un communiqué, elle a annoncé avoir décidé à une majorité de dix juges sur onze que la nomination comme ministre de M. Dery, "ne peut être validée". "Le Premier ministre doit le limoger."
Malgré l'annonce de son retrait de la vie politique, M. Dery a été élu député aux législatives de novembre puis nommé au gouvernement.
Dans une première réaction, l'ex-Premier ministre et chef de l'opposition, Yaïr Lapid, a qualifié le gouvernement de "cirque" sur Twitter.
"Netanyahu est faible, mais il doit nommer aujourd'hui un ministre de la Santé et un ministre de l'Intérieur à plein temps", a-t-il dit. "Les citoyens d'Israël ne devraient pas payer le prix de la corruption et du désordre de ce gouvernement."
M. Lapid s'est joint samedi à Tel-Aviv à une manifestation ayant rassemblé quelque 100.000 Israéliens selon les estimations des médias, pour clamer leur refus de la politique du gouvernement Netanyahu, dont ils affirment craindre une dérive antidémocratique.
Il s'agit de la plus importante manifestation depuis que Benjamin Netanyahu est revenu à la tête du gouvernement en décembre alliant partis de droite, d'extrême droite et ultraorthodoxes juifs, le plus à droite de l'histoire d'Israël.
- "Grave contradiction" -
M. Netanyahu est lui-même jugé pour corruption dans plusieurs affaires et son procès est en cours.
En Israël, le Premier ministre ne dispose d'aucune immunité judiciaire mais n'a pas à démissionner ni à se retirer pendant la durée de son procès.
Fin décembre, les députés ont voté un texte, baptisé "loi Dery" par la presse, autorisant une personne reconnue coupable d'un crime, mais pas condamnée à la prison ferme, à siéger au gouvernement.
La Cour suprême a critiqué cette loi et estimé que la nomination de M. Dery était "en grave contradiction avec les principes fondamentaux de l'Etat de droit".
Figure tutélaire de Shass, parti habitué à faire et défaire les coalitions depuis les années 1980, M. Dery a été ministre dans de nombreux gouvernements.
En 1993, la Cour suprême avait déjà exigé qu'il soit démis de son poste de ministre de l'Intérieur, après avoir été mis en examen pour corruption. En 2000, il a été condamné à trois ans de prison et libéré après avoir purgé les deux tiers de sa peine.
"J'ai l'intention de continuer à diriger le mouvement Shass, de participer aux réunions des dirigeants des factions de la coalition et d'aider à promouvoir les importantes réformes judiciaires que ce gouvernement a été élu pour promouvoir", a déclaré dimanche Arié Déry dans un communiqué.
"Aucune décision de justice ne m'empêchera de servir et de représenter mes électeurs", a-t-il ajouté.
En Israël, où les lois fondamentales font office de Constitution, le pouvoir judiciaire est le seul en mesure de contrôler le gouvernement.
Début janvier, le ministre de la Justice Yariv Levin a néanmoins annoncé un programme controversé de réformes du système judiciaire comprenant l'introduction d'une clause "dérogatoire" permettant au Parlement d'annuler à la majorité simple une décision de la Cour suprême.
Cette réforme, qui doit être soumise au Parlement à une date non précisée, vise à accroître le pouvoir des élus sur celui des magistrats et met en péril selon ses détracteurs le caractère démocratique de l'Etat d'Israël.