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C'est l'histoire d'un amour impossible chantée sur un rythme obsédant: "Pasoori", d'Ali Sethi, est devenue un phénomène international mêlant tradition poétique et tempos du monde, propulsant l'artiste pakistanais sur le devant de la scène.
Le titre pendjabi, dont le titre se traduit à peu près par "difficile pagaille", était la chanson la plus recherchée sur Google en 2022 et a dépassé le demi-milliard de vues sur YouTube, offrant une métaphore en musique du conflit entre l'Inde et le Pakistan sous la forme d'une chanson d'amour passionnée.
L'histoire de ce succès commence quand Ali Sethi est sollicité pour écrire une chanson pour la populaire émission télévisée pakistanaise Coke Studio; juste avant, un diffuseur indien s'était retiré d'un partenariat créatif en raison de la nationalité pakistanaise de l'artiste.
"Vous êtes Pakistanais, et l'Inde et le Pakistan sont en guerre, et nous ne pouvons pas vraiment mettre sur une pancarte que nous travaillons avec vous parce que les extrémistes vont mettre le feu à notre immeuble", a-t-on dit au chanteur de 38 ans selon ses dires.
"En tant que Pakistanais, j'ai grandi avec ça... +Oh tu ne peux pas faire ça parce que c'est interdit, etc", raconte-t-il.
L'expérience l'inspire.
"Bien sûr que le sujet de l'interdit est éternel dans les histoires d'amour d'Asie du Sud -- tout amour vrai est interdit", dit-il à l'AFP après une performance électrisante au festival de Coachella aux Etats-Unis, cerise sur le gâteau après une année exceptionnelle.
"Alors j'ai voulu écrire une chanson qui était une espèce de bombe pacifique lancée vers le nationalisme et l'hétéro-patriarcat", ajoute Ali Sethi.
Il explique s'être inspiré des chansons folkloriques pendjabies de sa jeunesse, glissant jeux de mots et sous-entendus dans les paroles, "une bonne manière de subvertir les vues orthodoxes sans vraiment dépasser les bornes".
Il interprète la chanson avec Shae Gill, une chanteuse née dans une famille chrétienne à Lahore.
- "On le fait!" -
Ali Sethi dit avoir été "stupéfait" par la réponse mondiale à la chanson, qui mélange les sons de la musique classique d'Asie du Sud aux rythmes contemporains de la région ainsi qu'à des tempos turcs, d'autres rappelant le flamenco, d'autres encore le reggaeton.
"Je pensais que ce serait cette création de niche qu'une partie de mes fans geeks allait aimer", dit-il en riant. "Je suis juste stupéfait par le nombre de personnes à travers le monde -- en particulier en Inde -- qui l'ont aimée".
Fils du journaliste Najam Sethi et de la femme politique Jugnu Mohsin, Ali Sethi est aussi un auteur qui a étudié le Qawwali, forme traditionnelle de musique religieuse soufie, et le ghazal, lyrisme qui a ses racines dans la poésie arabe antique.
Aujourd'hui il vit à New York et dit apprécier de collaborer avec des musiciens jazz, reggaeton, hip hop et salsa. Un multiculturalisme dont il a longtemps manqué.
"Les identités polyvalentes, multi-ethniques, multilingues étaient célébrées dans les sanctuaires soufis il y a 800 ans - à Lahore, où je suis né", dit-il. "Et pourtant en grandissant je n'ai jamais été vraiment encouragé à y penser de cette manière".
Pour sa performance à Coachella dimanche, celui qui s'y produira de nouveau le week-end prochain a amené sur scène Raja Kumari, une rappeuse américaine née en Californie de parents indiens.
"Ce qu'on ne peut pas faire là-bas, on le fait ici", a-t-il lancé en prenant la main de Raja Kumari sur scène après avoir chanté "Pasoori" ensemble.
"Toutes sortes d'amours interdites sont représentées ici aujourd'hui. Si vous l'interdisez, on le fait!" a-t-il renchéri sous les applaudissements.