Partager:
Les quatre collégiens de Golbey (Vosges) poursuivis pour le suicide de Lucas en janvier ont été reconnus coupables de harcèlement, mais le tribunal pour enfants d'Epinal n'a pas retenu de lien de causalité entre ces faits et le suicide de l'adolescent de 13 ans, lundi.
Des mesures éducatives provisoires ont été prononcées à l'encontre des quatre collégiens en attendant la prochaine audience qui décidera de leurs sanctions, fixée au 22 janvier 2024.
Ils encourent jusqu'à 18 mois de prison, une peine maximale qui aurait été beaucoup plus sévère si le tribunal les avait reconnus coupables de harcèlement scolaire ayant entraîné le suicide: la peine encourue aurait alors été de 5 ans de prison.
A l'audience, qui s'était tenue à huis clos le 3 avril, le parquet n'avait pas requis la reconnaissance du harcèlement comme cause du suicide, contredisant ainsi ses propres conclusions rendues à la fin de l'enquête.
Le tribunal pour enfants est allé dans le même sens en requalifiant les faits de harcèlement scolaire ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) inférieure à huit jours, à l'encontre des deux filles et deux garçons poursuivis.
- "Pas de simples moqueries" -
Malgré cette requalification, Séverine, la mère de Lucas, a fait part de son "soulagement": "Le verdict qui a été rendu est bien parce que le harcèlement c'est grave. Il faut que tout le monde en prenne conscience", a déclaré la jeune femme à l'issue du prononcé de la décision.
"J'attendais que mon fils soit reconnu victime de harcèlement scolaire, c'est tout ce que je lui devais, c'est mon combat maintenant. Je vais me battre jusqu'au bout, pour que ça s'arrête. On va mener des actions pour que les harceleurs se remettent en question, pour que les victimes se disent qu'elles n'ont pas à subir ça", a-t-elle poursuivi.
"La situation de Lucas a été entendue à sa juste valeur sur le plan juridique: le harcèlement dont il a été la victime a été considéré comme harcèlement scolaire simple, ça me semble une décision juste", a acquiescé son avocate, Me Catherine Faivre. "De simples moqueries ne sont pas de simples moqueries, dès l'instant où elles sont répétées, dès l'instant où elles portent atteinte à une identité, qu'elle soit sexuelle ou autre."
Une des avocates des adolescents poursuivis, Me Emmanuelle Larrière, était quant à elle plus nuancée: "Ce n'est pas la décision qu'on attendait puisque c'est une demande de relaxe qui avait été plaidée. Evidemment on fera le point avec les parents, la question se posera d'un appel éventuel", a-t-elle déclaré.
- Forte émotion -
Lucas, 13 ans, s'est suicidé le 7 janvier, après avoir écrit un mot exprimant sa volonté de mettre fin à ses jours. "Les constatations et l'autopsie effectuée par l'institut médico-légal de Nancy ont permis d'établir la thèse d'un suicide par pendaison", avait précisé le procureur Frédéric Nahon.
Les proches de l'adolescent avaient dénoncé des faits de harcèlement, révélant les moqueries et insultes à caractère homophobe dont il s'était dit victime de la part d'autres élèves de son collège.
Ce suicide avait suscité une forte émotion. A Épinal début février, plusieurs centaines de personnes avaient participé à une marche blanche en mémoire du jeune garçon.
"Quand un enfant met fin à ses jours, il n'y a pas de mots pour dire l'émotion, le chagrin, la douleur", avait déclaré au Sénat le ministre de l'Éducation nationale, Pap Ndiaye, visiblement ému. "Ce drame montre à quel point la lutte contre le harcèlement scolaire doit demeurer une priorité du gouvernement".
Dans une affaire similaire, quatre autres mineurs ont été mis en examen fin mai pour "harcèlement scolaire ayant conduit au suicide" après le suicide d'une adolescente de 13 ans, Lindsay, le 12 mai à Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais).