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"Notre priorité, c'est de sauver des vies", affirme le commandant Chamtouri, après 24 heures passées à intercepter et secourir des candidats à l'émigration clandestine, partis entre mercredi et jeudi des environs de la ville portuaire de Sfax, en Tunisie.
Sfax est cette année l'épicentre des tentatives de traversées de la Méditerranée au départ des côtes tunisiennes, situées, au point le plus proche, à moins de 130 kilomètres de l'île italienne de Lampedusa.
Alors qu'un zodiac de la Garde nationale ramène des dizaines de migrants vers une grosse vedette qui les a repérés grâce aux radars, le commandant Mouhamed Borhen Chamtouri explique à l'AFP que la "toute première priorité, c'est de sauver des vies humaines".
Plus de 1.800 personnes, selon les Nations unies, ont péri depuis janvier dans des naufrages en Méditerranée centrale, la route migratoire la plus meurtrière au monde, plus du double de l'an passé.
En Tunisie, un naufrage au départ de Sfax le week-end dernier a fait au moins 11 morts et 44 disparus.
"Il n'y a aucun doute là-dessus. Vous avez vu durant ces 24 heures que nous avons fait plusieurs sauvetages. Il y a eu trois barques en panne et les opérations n'ont pas été faciles pour nous", ajoute-t-il.
Au 20 juin, la Garde nationale tunisienne a dit avoir intercepté sur six mois 34.290 migrants, en majorité d'Afrique subsaharienne, contre 9.217 sur la même période de 2022.
Pendant que l'AFP les accompagnait, les unités de Sfax ont intercepté 216 migrants dont 75 Tunisiens, le reste étant des ressortissants subsahariens.
Ils étaient partis séparément sur six bateaux, les Subsahariens sur des barques en fer, surchargées de femmes et d'enfants.
Quand le zodiac envoyé par le bateau-amiral s'approche de leur fragile embarcation, les Africains se mettent à pleurer et à implorer les gardes de les laisser repartir. Un jeune Ivoirien confie en être "à sa septième tentative", se disant prêt à recommencer en travaillant dans l'économie informelle pour se payer la traversée.
Selon de récents chiffres officiels, environ 80.000 Africains subsahariens résident en Tunisie, dont une bonne partie illégalement.
Les départs de migrants africains ont connu une accélération après un discours, le 21 février, du président tunisien Kais Saied dénonçant l'arrivée de "hordes de migrants" clandestins venus, selon lui, "changer la composition démographique" de son pays.
- "3.000 en dix jours" -
Après la mort le 3 juillet d'un Tunisien dans une rixe entre migrants et habitants, des centaines d'Africains ont été chassés de Sfax, la deuxième ville de Tunisie. Beaucoup ont décidé de tenter la traversée.
Près de 94.000 migrants sont arrivés depuis le début de l'année sur les côtes italiennes, selon des statistiques italiennes, plus du double par rapport à la même période de 2022, en provenance de Tunisie et de Libye.
Depuis début août, "en seulement 10 jours", les unités de Sfax ont intercepté "à peu près 3.000 migrants dont 90% sont des Subsahariens et 10% des Tunisiens", poursuit le commandant Chamtouri.
La Tunisie, en proie à de graves difficultés financières et à des pénuries de certains produits, traverse aussi une profonde crise politique depuis le coup de force par lequel le président Saied s'est emparé de tous les pouvoirs le 25 juillet 2021. Une vingtaine d'opposants, dont des figures connues, ont été emprisonnés depuis février.
L'Union européenne, poussée par l'Italie de la dirigeante d'extrême droite Giorgia Meloni, et la Tunisie ont conclu à la mi-juillet un "partenariat stratégique" qui prévoit notamment 105 millions d'euros pour aider le pays nord-africain à lutter contre l'immigration clandestine.
Cette enveloppe inclut 15 millions destinés à financer le "retour volontaire" de 6.000 migrants subsahariens depuis la Tunisie vers leurs pays d'origine.
Ce pacte a coïncidé avec "l'expulsion" depuis début juillet par la Tunisie de "plus de 2.000 migrants africains" vers des zones désertiques ou inhospitalières aux frontières avec la Libye et l'Algérie, selon un décompte de sources humanitaires.
Après l'accord, Amnesty International a accusé Bruxelles "de concentrer ses financements sur l'externalisation du contrôle des frontières plutôt que sur la garantie d'itinéraires sûrs et légaux", jugeant l'UE "complice des souffrances" des migrants.