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Victor Castanet, un "journaliste à impact" épris de liberté

"L'information peut changer les choses": le journaliste d'investigation Victor Castanet, qui a révélé il y a un an les turpitudes des Ehpad privés Orpea dans son livre-enquête "Les Fossoyeurs", savoure aujourd'hui l'impact fracassant de son travail, mais refuse qu'on voie en lui un "justicier ou un militant".

"Je pratique un journalisme à impact: on m'alerte sur des dysfonctionnements que je rapporte fidèlement, avec des preuves, dans le but qu'il se passe ensuite quelque chose", explique à l'AFP l'auteur de 35 ans, dont l'ouvrage édité chez Fayard s'est déjà vendu à près de 170.000 exemplaires - un résultat stratosphérique pour une enquête journalistique.

L'ouvrage sort le 25 janvier en poche, chez "J'ai lu", avec un premier tirage de 50.000 exemplaires. Dans cette nouvelle version, augmentée de dix chapitres inédits, l'auteur revient sur les dénégations de la direction d'Orpea après la sortie du livre, la stratégie déployée pour relativiser l'impact de ses révélations, ou les suites données au scandale par les autorités.

Pour cette enquête très fouillée, fruit de trois ans de travail, le journaliste, qui a fait ses débuts sur i-télé et Canal+, a remporté en novembre le Prix Albert-Londres (en catégorie "livre"). Et ses "Fossoyeurs" seront prochainement adaptés en téléfilm pour France 2.

"Victor a donné trois ans de sa vie pour parler des vieux et d'un système financier mafieux. Il est têtu, parfois usant, mais il ne lâche rien", dit à l'AFP Laurent Garcia, cadre infirmier en Ehpad qui fut l'un de ses premiers informateurs et se dit aujourd'hui "son ami".

"C'est un personnage, avec un côté Tintin. Ce qu'on a vécu avec lui est très romanesque ! Et il a le talent de mettre les gens en confiance", abonde Guillaume Gobet, une autre "source" du livre, ancien délégué CGT chez Orpea.

- Des milliers de messages -

"Je savais qu'il y aurait des suites, j'avais bossé pour ça. Mais je me demandais quand même qui irait acheter un livre de 400 pages sur des maisons de retraite ! C'est le succès d'édition le plus dur à imaginer", ironise l'auteur. L'ouvrage est arrivé à un moment où la population, traumatisée par le bilan du Covid parmi les personnes âgées, était sensibilisée à ces questions, note-t-il toutefois.

Des milliers de lecteurs lui ont d'ailleurs écrit pour raconter leur propre expérience du vieillissement d'un proche, observe l'auteur, qui vient lui-même de perdre son grand-père de 96 ans - l'écrivain, documentariste et acteur Antoine Roblot, "un homme très engagé, un totem dans ma vie".

Victor Castanet a été également contacté par des journalistes débutants, avides de conseils pour se lancer dans des investigations au long cours. "Il y a un mouvement dans la jeune génération pour aller vers plus de terrain et d'enquête", se félicite le trentenaire, qui intervient devant des étudiants en journalisme à Science Po: "je leur dis qu'un journaliste n'a pas à être militant, ni à dire ce qu'il pense. On m'a demandé souvent si j'étais pour la fin des Ehpad lucratifs, mais ce n'est pas à moi de répondre".

Après trois ans où il n'a vécu que des avances consenties par son éditeur, le trentenaire, qui vit avec sa famille dans le quartier parisien de Belleville, bénéficie désormais d'une aisance financière inattendue. Et se projette déjà vers une nouvelle enquête, qu'il lui sera plus difficile de mener discrètement: "c'est l'inconvénient de ma notoriété".

Cette fois, il s'intéressera au secteur de la santé, "en train de craquer". Le sujet lui a été inspiré par les milliers de courriels qu'il a reçus depuis la parution des "Fossoyeurs". "Ceux qui m'écrivent bossent aux urgences, dans le domaine du handicap ou de la psychiatrie, et ils me disent +Venez enquêter chez nous!+, résume le journaliste.

"Je pense que les gens se tournent vers moi car ils me voient comme quelqu'un d'indépendant, qui a du temps", insiste le journaliste. "Je n'ai pas envie qu'on m'impose des sujets ou un rythme. Mon obsession, depuis que je suis petit, c'est la liberté".

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