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"Si je saisis aujourd'hui la Cour de révision, c'est parce que les éléments nouveaux sont suffisamment forts", a expliqué Me Sylvie Noachovitch lors d'un point presse devant la Cour de cassation.
"Au nom des droits de l'Homme je vous demande de le soutenir, parce que véritablement un homme est innocent et se bat (...) Il a certes été gracié mais cela ne le blanchit pas", a poursuivi Me Noachovitch.
Pour ce coup d'envoi d'une longue procédure, s'étaient réunis autour d'elle l'académicien Jean-Marie Rouart, l'ancien député Georges Fenech, artisan de la réforme de 2014 sur la révision des condamnations pénales, ainsi que l'écrivain Eric Neuhoff et le journaliste Jean-François Kahn.
Cette demande de révision, dans l'une des affaires criminelles françaises les plus débattues, s'appuie sur un rapport de 2019, analysant des découvertes ADN faites en 2015: quatre empreintes génétiques, correspondant à quatre hommes non-identifiés, avaient été trouvées sur deux portes et un chevron de la cave dans laquelle le corps de Ghislaine Marchal, riche veuve de 65 ans, avait été retrouvé le 24 juin 1991.
Sur ces deux portes avait été écrit "Omar m'a t" et "Omar m'a tuer", élément central de l'enquête dont la faute de grammaire est pratiquement entrée dans le langage courant.
Dans ce rapport de 2019, l'expert Laurent Breniaux, analysant 35 traces d'un de ces ADN présent dans l'inscription "Omar m'a t", favorisait l'hypothèse d'un dépôt d'empreintes au moment des faits, et non d'une "pollution" ultérieure par les enquêteurs.
Échec en 2002
En d'autre termes, ces traces génétiques auraient pu être déposées par l'auteur de l'inscription, qui ne serait alors pas Mme Marchal mais potentiellement le véritable meurtrier, estime la défense d'Omar Raddad.
"Ne croyez-vous pas qu'il est important de savoir à qui sont ces ADN ?", a interrogé Me Noachovicth. "Dans l'affaire du petit Grégory, tous les moyens sont mis en oeuvre. Dans l'affaire Raddad, il le faut aussi", a-t-elle insisté.
De fait, ces analyses génétiques ne sont pas restées lettre morte depuis 2015 et ont conduit à des investigations menées par le parquet de Nice sur les requêtes de la défense.
"L'une de ces requêtes, une demande de comparaison d'un ADN avec un individu mis en cause par la défense, n'a rien donné, ça n'a pas matché", a expliqué mercredi à l'AFP le parquet général d'Aix-en-Provence.
Une première requête en révision avait été tentée en 1999, débouchant sur des expertises graphologiques, qui concluaient à l'impossibilité d'attribuer l'inscription à Mme Marchal, et sur la mise en évidence de deux ADN masculins non-identifiés.
Mais le 20 novembre 2002, la Cour de révision rejettait la demande d'un nouveau procès estimant qu'"il est impossible de déterminer à quel moment, antérieur, concomitant ou postérieur au meurtre, ces traces ont été laissées".
"La commission d'instruction", saisie avant la Cour, "voulait cette révision, l'avocat général l'avait requise en raison du doute" sur la culpabilité d'Omar Raddad, or "un doute suffit pour réviser", a martelé Me Noachovicth.
Âgé de 58 ans, Omar Raddad vit désormais à Toulon, toujours en arrêt maladie, et déterminé à faire reconnaître son innocence.
Condamné en 1994 à 18 ans de réclusion, sans possibilité de faire appel à l'époque, Omar Raddad avait bénéficié d'une grâce partielle du président Jacques Chirac, puis d'une libération conditionnelle en 1998, après sept années derrière les barreaux.
Les révisions de condamnations pénales restent rares en France dans les affaires criminelles: depuis 1945, une dizaine d'accusés seulement ont bénéficié de leur vivant d'une révision et d'un acquittement.
Si la requête d'Omar Raddad est jugée recevable, elle sera examinée au fond par la commission d'instruction de la Cour de révision lors d'une audience, possiblement "d'ici la fin de l'année", espère son avocate.