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Pour la première fois, un groupe exclusivement féminin défilera le matin du Dimanche Gras au Carnaval de Binche. Une évolution qui relance le débat sur la place des femmes dans le folklore binchois.
C’est un petit bouleversement dans le folklore binchois : cette année, une vingtaine de femmes défileront masquées le matin du Dimanche Gras, accompagnées du son de la viole. Une première depuis des décennies dans un carnaval où les hommes occupent traditionnellement le devant de la scène.
Elles sortiront "à la viole et masquées le dimanche matin, mais ne participeront pas au cortège de l’après-midi car ce n’est pas une société reconnue" précise Didier Rombaux, le président de l’ADF.
Ce groupe de femmes, dont les cofondatrices sont Bénédicte Rasseaux et Violette Dufour, souhaite aller plus loin et intégrer officiellement les cortèges du dimanche et du mardi gras. Mais pour l’instant, cette reconnaissance leur est refusée.
Si certaines réactions sont favorables, d’autres sont plus hostiles. Des Gilles ont menacé de ne plus participer au carnaval si une société féminine venait à voir le jour. "Ce qu’il faut qu’elles comprennent, c’est qu’on ne change pas des traditions centenaires en quelques coups de cuillère à pot", insiste Didier Rombaux.
Une nouvelle société féminine en gestation
Malgré ces résistances, le groupe ne baisse pas les bras. Son objectif n’est pas d’endosser le costume de Gilles, mais bien de créer un nouveau personnage féminin, en accord avec les autres sociétés traditionnelles (Gilles, Paysans, Arlequins, Marins et Pierrots). "Une société de fantaisie, ça veut dire qu’on ne veut pas être Gilles. Ça, c’est clair et évident. Pour nous, le Gilles est éminemment masculin", explique Bénédicte Rasseaux.
Pour Violette Dufour, qui a grandi dans cet univers carnavalesque, l’envie de participer pleinement est une évidence : "Je sens que ça me manque terriblement de frapper le pas contre le sol, de danser pleinement avec les airs de musique."
Les discussions reprendront après le carnaval 2025, avec l’espoir de convaincre les instances du folklore binchois. Parmi les riverains, certains voient d’un bon œil cette ouverture : "Je pense que tradition ne veut pas dire forcément archaïque", estime l’une d’eux. D’autres soulignent que "ça pourrait annuler les stéréotypes qu’il y a sur la femme" et qu’"on pourrait leur permettre de participer d’une autre façon au folklore".
Une coutume oubliée: "On le voit sur d’anciennes photos"
Pour Frédéric Ansion, président de la Société Royale des Récalcitrants, il ne s’agit pas d’une révolution, mais plutôt d’un retour aux origines. "Que ce soit à la fin du XIXᵉ siècle ou au début du XXᵉ siècle, les femmes, on le voit sur d’anciennes photos, accompagnaient les sociétés de Gilles. Elles portaient le domino et un loup noir, car toute personne présente à Binche lors des jours gras devait se masquer."
Cette coutume s’est perdue avec le temps, et pour Didier Rombaux, président de l’Association de défense du folklore binchois (ADF), ce projet est une façon de renouer avec le passé : "Ce n’est pas une évolution du carnaval, ce n’est pas non plus une révolution, c’est un retour aux sources."
Si les débats sont loin d’être clos, une première étape a été franchie. Le matin du Dimanche Gras 2025, ces femmes fouleront le pavé de Binche, relançant, à leur manière, la tradition de la mascarade.

















