Accueil Actu

"Une affaire de famille": bouleversante chronique familiale, Palme d'or à Cannes

Une famille qui vivote et chaparde dans les magasins recueille une fillette maltraitée: avec "Une affaire de famille", en salles mercredi, le Japonais Hirokazu Kore-Eda signe une nouvelle chronique bouleversante des liens familiaux, son thème de prédilection, saluée par la Palme d'or à Cannes.

Au début du film, difficile de comprendre qui est la mère, qui est le père, qui est l'enfant de qui, ou la sœur... Seule certitude dans cette généalogie opaque, une grand-mère roublarde et aimant l'argent règne sur ce petit monde.

Autour d'elle gravitent un couple abonné au vol à l'étalage, une jeune femme travaillant dans un peep-show et un garçon déscolarisé. Mais un soir, ils recueillent une fillette livrée à elle-même et maltraitée, et en font un membre à part entière de leur famille d'"affreux, sales et méchants".

"Peut-on être parent sans donner naissance?", s'est interrogé le réalisateur japonais, qui avait déjà abordé cette question dans "Tel père, tel fils", Prix du jury à Cannes en 2013.

"Depuis le tremblement de terre de 2011, je m'interroge sur ceux qui répètent sans cesse que les liens familiaux sont importants. Et donc j'ai eu envie d'explorer la nature de ces rapports en m'intéressant à une famille liée par des délits", explique-t-il, cité dans le dossier de presse du film.

Au lieu de traiter cette adoption et cet enlèvement comme un fait divers, Kore-Eda en a fait une chronique à la fois tendre et cruelle: "C'est peut-être un film plus social que les précédents, mais le point d'entrée reste la famille", a affirmé au dernier Festival de Cannes ce grand habitué de la Croisette.

Les personnages, souligne-t-il, "ont déjà vécu l'échec dans une première famille, ont échoué en couple et se retrouvent à vouloir commencer, à vouloir reformer une famille qui fonctionne mieux que la précédente."

- "un éclairage différent" -

L'arrivée de la petite fille redistribue en effet les rôles de chacun, faisant du jeune garçon un grand frère et réveillant peut-être aussi l'instinct maternel de la mère.

"Je ne souhaitais pas parler d'une famille pauvre, se situant en bas de l'échelle sociale. Je crois plutôt que les membres de la famille se réfugient dans cette maison pour ne pas s'effondrer. Je voulais donc jeter un éclairage différent sur une famille dysfonctionnelle", a indiqué le réalisateur.

Le prolifique cinéaste - qui travaille actuellement sur son prochain film, tourné en France avec Catherine Deneuve, Juliette Binoche et Ethan Hawke -, a de nouveau fait appel dans "Une affaire de famille" à l'actrice Kirin Kiki.

Celle qui apparaît dans tous ses films, décédée depuis en septembre dernier, s'apparente pour lui à une "maman de cinéma". Elle joue ici la grand-mère.

À ses côtés, Sakura Ando émeut en mère aux motivations troubles. "Elle donne beaucoup de relief à son personnage, elle est à la fois mère, fille, femme", souligne Kore-Eda.

Comme dans "Nobody knows" qui le fit découvrir à Cannes en 2004, il fait une nouvelle fois tourner des enfants qu'il filme avec tendresse, s'attardant sur leurs petits pieds ou leur regard triste.

Mêlant veine sociale et description des rapports familiaux, Kore-Eda est souvent comparé au géant du cinéma japonais Yasujiro Ozu, même s'il se réclame plutôt du Britannique Ken Loach pour sa façon de "sublimer des gens ordinaires".

La précédente Palme d'or, "The Square" du Suédois Ruben Ostlund, n'avait rassemblé que 350.000 spectateurs en France. Celle de 2016 en revanche, "Moi, Daniel Blake" de Ken Loach, avait fait plus de 950.000 entrées.

À lire aussi

Sélectionné pour vous