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Témoignage inédit entre deux pères: l'un a perdu sa fille au Bataclan, l'autre est le papa d'un des terroristes

Notre journaliste Antoine Schuurwegen et nos reporters cameramen Denis Caudron et Thomas Decupere ont rencontré Georges Salines et Azdyne Amimour, deux pères endeuillés suite aux attentats du 13 novembre 2015 à Paris. L'un a perdu sa fille Lola au Bataclan, l'autre est le papa de l'un des terroristes. Des pères que tout pourrait opposer mais qui ont choisi de dialoguer.

Georges est le père de Lola. Le 13 novembre 2015, elle a été abattue au Bataclan. Elle avait 28 ans. "Lola était une jeune femme très énergique, joyeuse et avec une personnalité solaire", dit Georges Salines. Azdyne, est le père de Samy Amimour, l’un de terroristes du Bataclan. Lui aussi avait 28 ans. "Je condamne avec la plus grande fermeté ce qui s'est passé", dit Azdyne Amimour.


Azdyne s'en veut: il ne s'est pas "rendu compte" que son fils se radicalisait

Aujourd’hui, Azdyne est rongé par la culpabilité. C’est à la sortie de l’adolescence que son fils s’est radicalisé. "Il m'a dit "Papa, j'ai envie d'apprendre l'arabe, de faire un tour au Moyen-Orient pour apprendre la religion et tout ça'. Puis, il a changé sa façon de s'habiller, puis il est parti". Le père du terroriste assure ne s'être rendu compte de rien.

"Azdyne et son épouse ne se sont pas rendus compte de ce qui se passait. il y a une part de déni, je le dis franchement", considère Georges Salines à ce sujet. Azdyne tentera tout de même d’aller rechercher son fils en Syrie, en vain.


Ils racontent le moment où la police leur annonce la terrible nouvelle

Le soir du 13 novembre, ces deux pères n’imaginent pas que leur vie va basculer. Georges et son épouse apprendront au milieu de la nuit que leur fille était au Bataclan. "Évidemment, nous étions extrêmement inquiets mais en même temps, persuadés que nous allions la retrouver vivante, relate Georges Salines. C'était inimaginable qu'elle soit morte".

Le 13 novembre, Azdyne non plus n’imagine pas que son fils puisse être l’un des terroristes. Mais, le dimanche matin, les policiers viennent l’arrêter. "Ils nous ont emmenés ma femme, ma fille et moi dans trois voitures différentes et cagoulés", décrit Azdyne Amimour. C’est dans les locaux de la DGSI  (Direction générale de la Sécurité intérieure française, ndlr) qu’il apprendra le décès de son fils. "[On me dit ] 'Votre fils est mort', se souvient Azdyne Amimour. Je dis: 'C'est pas possible. Là, au Bataclan?' On me dit 'Oui et on vous garde encore 24 heures'".

Azdyne Amimour sera finalement libéré après quatre jours de garde à vue. Il admet qu'en famille, ils ne parlent pas de leur fils terroriste. "C'est tabou", reconnaît-il.


Abattu par la police, Samy n'aura jamais été jugé

Georges Salines aurait-il préféré que le terroriste Samy Amimour soit capturé vivant? "Je regrette de le dire en présence de son père, mais je suis très reconnaissant envers le commissaire de police qui a abattu Samy Amimour parce que je pense que ce faisant, il a sauvé des vies, répond Georges Salines. Mais bien sûr, j'aurais préféré qu'il soit arrêté et qu'il soit jugé et qu'il aille en prison, il aurait été très certainement condamné à une très longue peine".


Un roman tiré de leur rencontre paraît ces jours-ci

Au-delà de la souffrance, de la colère, de l’incompréhension, aujourd’hui, ces deux pères échangent, dialoguent, partagent. "Quelques fois, je lui dis des choses qui peuvent être difficiles à entendre", dit Georges, en parlant d'Azdyne. "L'essentiel est de dialoguer, de comprendre et de respecter l'autre, c'est le plus important je crois", répond Azdyne.

Car aujourd’hui, il ne leur reste que les mots, comme l'évoque le titre du roman né de leur rencontre.

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