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Alfredo a toujours sa voiture qui affiche 950.000 km au compteur: "Elle n'a jamais été au garage, je l'ai toujours entretenue moi-même"

Elle n'affiche pas 300.000, ni 500.000, ni même 800.000... mais bien 950.000 kilomètres au compteur! En 34 ans, l'Audi 80 d'Alfredo a englouti les kilomètres comme du petit lait. Aujourd'hui, ce jeune retraité nous révèle ses petites histoires avec son fidèle véhicule, mais aussi ses astuces pour le tenir en forme. A-t-il réduit son impact environnemental en ne changeant pas de véhicule, comme il nous l'explique? Va-t-il garder son Audi jusqu'au million de kilomètres? Les réponses ci-dessous.

L'histoire de cette Audi, Alfredo nous l'avait déjà racontée en 2014 lorsqu'elle avait atteint les 840.000 kilomètres. Cinq ans plus tard, notre rédaction a récemment reçu un nouvel email d'Alfredo via le bouton orange Alertez-nous. Notre attention a tout de suite été attirée. "Je possède une voiture Audi 80 moteur 1600 diesel de 1985, qui aura 34 ans de circulation en mars 2019. Elle vient d’atteindre les 950.000 km et je roule toujours avec", nous écrit notre témoin.

Nous nous sommes rendus chez Alfredo, à Frameries, pour découvrir sa fidèle monture.


Elle a survécu à la panne de 2014

C'est derrière un solide portail que la précieuse Audi est garée en toute sécurité. Ses 34 ans, elle ne les fait absolument pas. Les quelques taches plus sombres ou plus claires sur sa robe grise révèlent à peine une histoire bien chargée. "J'ai moi-même réparé les quelques petits points de rouille", nous confie Alfredo avec un petit sourire.

Il y a cinq ans, lors de notre précédent article, le Framerisois pensait être sur le point de perdre sa chère voiture. Touchée par une panne, il utilisait alors la voiture de sa mère. Nous lui demandons comment il a pu relancer l'Audi pour cinq ans de plus. "En fait, au lendemain de la publication de votre article, j'ai découvert que c'était une panne mineure. C'était une pastille sur le bloc moteur qui était rouillée. Elle perçait. J'ai changé la pastille pour 5 euros, la colle m'a coûté 15 euros, et c'était reparti", explique Alfredo.

Et l'Audi a donc poursuivi son bonhomme de chemin, emmenant son propriétaire tous les jours sur son lieu de travail à Gosselies, jusqu'à atteindre un cercle très fermé: celui des voitures qui flirtent avec le million de kilomètres. Voici la liste des véhicules (voitures et camionnettes) vendus en 2017 avec le kilométrage le plus élevé au compteur:

  1. TOYOTA COROLLA de 1999: 999,197 km
  2. MERCEDES A 170 CDI de 2003: 926,262 km
  3. FIAT SCUDO de 2010: 887,500 km
  4. OPEL VIVARO de 2011: 887,197 km
  5. MERCEDES SPRINTER de 2009: 874,055 km
  6. FORD GALAXY de 2005: 841,244 km
  7. MERCEDES SPRINTER de 2014: 831,431 km
  8. OPEL VIVARO de 2011: 812,693 km
  9. CITROEN BERLINGO de 2001: 797,227 km
  10. MERCEDES SPRINTER de 2009: 787,349 km

(Chiffres CAR-PASS)

J'ai changé le moteur moi-même, c'est assez facile sur cette voiture-là

En 950.000 kilomètres, l'Audi a connu quelques belles aventures. Il y a 15 ans, elle a subi une véritable opération à coeur ouvert. "J'ai remplacé le moteur. Il tournait encore, mais il fumait beaucoup. J'ai alors trouvé un moteur plus récent qui avait environ 300.000 kilomètres, et qui est toujours là maintenant. J'ai changé le moteur moi-même, c'est assez facile sur cette voiture-là", explique l'heureux propriétaire.

Pour prendre soin de la belle, il n'y a quasiment eu que les mains habiles d'Alfredo. "Je m'en suis occupée depuis que je l'ai. Au départ je suis sorti de l'école comme mécanicien automobile, et donc elle n'a jamais été au garage, je l'ai toujours entretenue moi-même", annonce fièrement notre témoin. "Il n'y a pas d'électronique, donc c'est tout facile. C'est purement mécanique et électrique. C'est à la portée de tout le monde. C'était l'avantage de cette voiture: on peut tout remplacer avec des outillages traditionnels. Il ne faut pas d'outillages spéciaux".

Mais comment garder une voiture si longtemps? "C'est un point important: dès qu'il y a un problème, il ne faut pas attendre que ça s'empire. On le règle directement, et c'est comme ça que j'ai gardé aussi longtemps ma voiture", précise Alfredo. Un conseil simple, mais visiblement très efficace!


Cavalier et monture prennent une retraite bien méritée

Mais, depuis 2014, la situation d'Alfredo a changé. À 65 ans, le dessinateur d'étude en aéronautique vient de prendre sa retraite pour s'accorder du repos. Et après des décennies de bons et loyaux service, il a décidé que son Audi 80 méritait aussi un peu de répit. "L'aventure se termine quasiment au même moment que pour moi-même. Ma voiture part à la retraite aussi", confie Alfredo.

Si le coeur de la trentenaire avale toujours aussi promptement les kilomètres, sa robe s'est effilochée au fil des années. "Comme elle est souvent restée à l'extérieur, le bas de caisse est assez bien abîmé. J'ai voulu passer le contrôle technique, mais elle n'est pas passée... et je ne souhaite plus faire de frais dessus", indique Alfredo. "Au niveau mécanique, il y a quelques trucs à corriger, mais ça ne me dérange pas vraiment. C'est surtout l'aspect carrosserie qui me rebute à poursuivre", précise-t-il.

Désormais, la trentenaire dort paisiblement dans la cour d'Alfredo, qui lui cherche un repreneur tout aussi attentionné que lui.


Qui pour succéder à l'Audi 80?

Pour l'accompagner dans ses prochaines aventures, Alfredo a porté son choix sur une Seat. "La voiture est commandée. C'est une Ateca, un SUV. La voiture est plus haute, c'est plus facile quand on commence à avoir un certain âge. J'ai pris le plus petit moteur pour polluer le moins possible: un 1.0 litre. C'est une essence. Je l'ai essayée... C'est comme n'importe quelle nouvelle voiture, ce n'est pas un miracle... Je me plaisais bien dans la mienne, mais bon, il faut changer", explique Alfredo, qui gardera longtemps en mémoire sa vieille Audi.

C'est que, malgré son âge, elle présentait bien des avantages. "Je pouvais tout faire dessus, tout réparer moi-même. Mais aujourd'hui les voitures sont beaucoup plus électroniques que mécaniques, donc c'est très difficile d'intervenir tout seul avec mon matériel. Et puis elle était beaucoup plus robuste que les véhicules d'aujourd'hui. J'ai rénové toute ma maison avec elle! Vous pouvez appuyez sur le capot d'une nouvelle voiture, je suis sûr qu'il va s'enfoncer plus vite que sur mon Audi 80", lance Alfredo.

Mais notre témoin est aussi réaliste. Il a bien conscience des évolutions dont il profitera. "J'étais habitué aux manivelles pour descendre les vitres, mais c'est vrai que des vitres électriques, c'est plus confortable. Les phares automatiques aussi... Par contre je trouve que les capteurs de pluie, c'est surtout un gadget. Et puis il y a tous les équipements de sécurité: l'ABS, les détecteurs de fatigue, les correcteurs de trajectoire... Ce sont des évolutions importantes", reconnaît Alfredo.

Dans la globalité, j'ai le sentiment d'avoir réduit mon impact sur l'environnement

Un autre facteur qui a poussé Alfredo à se séparer de son Audi 80, c'est l'écologie. Car avec les nouvelles normes et les restrictions qui sont de plus en plus imposées dans les villes, le jeune retraité avait peur de ne plus pouvoir, un jour, utiliser sa vieille voiture. D'après lui, garder son véhicule si longtemps a pourtant permis de réduire son impact sur l'environnement. "Les émissions de CO2 sont liées à la consommation, et à ce niveau-là, je me situais autour des 6 litres aux 100. En matière de gaz carbonique (NDLR: autre nom donné au CO2, ou dioxyde de carbone), je ne polluais pas plus qu'une voiture récente", explique Alfredo. "Pour les particules fines, là c'est autre chose".

En effet, l'Audi 80 n'est pas équipée de catalyseurs, ce qui laisse donc les particules fines se répandre librement dans l'air.

Mais pour Alfredo, l'utilisation prolongée de sa voiture reste un élément positif. "Sur 30 ans, les Belges changent en moyenne de voiture quatre fois. Donc quatre nouvelles voitures à produire, et quatre voitures à détruire. Vous ne pensez pas que tout ça, ça pollue? Alors oui, ma voiture pollue, mais dans la globalité, j'ai le sentiment d'avoir réduit mon impact sur l'environnement", réagit Alfredo.

Notre témoin n'a pas tort. D'après les chiffres de la FEBIAC, qui représente les constructeurs et importateurs, un consommateur qui achète un véhicule neuf le garde environ 7 ans avant de le revendre. Concernant l'envoi à la casse, le moment fatidique a lieu, en moyenne, à 15 ans et 8 mois de vie de la voiture.

Enfin, alors qu'on pourrait croire que la société de consommation pousse à remplacer de plus en plus vite son véhicule, ce serait l'inverse. La preuve en graphique.

Pollution: vaut-il mieux garder son véhicule ou le changer régulièrement?

Dans l'intérêt de notre article, nous avons contacté Inter-Environnement Wallonie (IEW), la fédération d’associations environnementales, pour déterminer ce qui est le mieux pour la planète: changer de voiture régulièrement ou la garder le plus longtemps possible? Le but n'est pas de prendre Alfredo à contre-pied, mais bien d'objectiver cette question. "Il est très difficile de parler d'un cas particulier. Mais si on résume fortement, on estime qu'un véhicule parcourant 150.000 kilomètres émet 20 tonnes de CO2 sur l'ensemble de son cycle de vie, fabrication et recyclage compris", explique Noé Lecocq, chargé de mission climat auprès d'IEW.

Difficile d'avoir des chiffres précis, mais une étude menée en 2009 pour la Commission européenne évaluait que la fabrication et le recyclage d'un véhicule représentaient (toujours à la grosse louche) environ 5 tonnes de CO2. Dans le cas des 950.000 km parcourus par l'Audi 80 d'Alfredo, l'utilisation du véhicule représenterait donc 95% des émissions de CO2 et la fabrication et recyclage 5%. Mais soyons prudents: ces chiffres sont à prendre avec des pincettes. Malgré tout, en évitant de changer de voiture quatre fois, Alfredo a évité l'émission d'environ 20 tonnes de CO2 (4 x 5 tonnes). C'est déjà un succès.

Mais ce point de vue n'aborde qu'un seul élément: les émissions de CO2. Dans le milieu de l'environnement, le CO2, le dioxyde de carbone, est considéré comme un polluant global. Il pollue notre planète de façon générale et est l'un des responsables du changement climatique, mais il a peu d'effet direct sur la santé. Il y a cependant d'autres polluants à prendre en compte: les polluants locaux. On y retrouve par exemple le monoxyde de carbone et les oxydes d'azote. En plus de leur effet sur l'environnement, les polluants locaux sont très nocifs pour la santé. "Les vieilles voitures émettent beaucoup de polluants locaux", commente Noé Lecocq.

Pour obtenir un second point de vue, direction la FEBIAC. "Entre un véhicule sans filtre et un véhicule respectant la norme Euro 6, il y a environ 99% moins de particules fines émises", indique Joost Kaesemans, porte-parole de la FEBIAC. Nous lui demandons ce qu'il pense de garder un véhicule aussi longtemps. "C'est peut-être tirer un peu trop loin sur la corde, car la voiture ne correspond plus aux besoins en matière d'environnement. Mais c'est un équilibre à trouver entre ne pas changer trop vite pour ne pas 'gaspiller', et attendre trop longtemps et risquer de ne plus avoir un véhicule aux normes", répond-il.

Alors, changer souvent de voiture ou la garder longtemps? Voici la réponse du chargé de mission d'IEW: "Si on roule très peu, c'est-à-dire jusqu'à environ 10.000 km par an, ça a du sens de ne pas souvent remplacer sa voiture, là il vaut mieux la prolonger. Par contre, si on fait plus de 20.000 km par an, il vaut peut-être mieux changer pour réduire les émissions de particules fines lors de l'utilisation", explique Noé Lecocq.


Les voitures d'aujourd'hui, moins fiables?

Enfin, notre entretien avec le porte-parole de la FEBIAC nous a amené vers une dernière question, tout aussi intéressante: les véhicules d'aujourd'hui sont plus ou moins fiables? "Comme les chiffres présentés le montrent, l'âge moyen des voitures augmente au fil des années. C'est logique car elles sont plus fiables. 200 mille ou 300 mille kilomètres, ce n'est rien pour un véhicule récent. Pourquoi? Parce qu'on produit mieux, la technologie est meilleure, l'huile et les carburants sont plus performants, il y a beaucoup moins de rouille, etc.", explique Joost Kaesemans.

Certains arguments du représentant des concessionnaires semblent tout à fait crédibles... Pourtant, les paroles d'Alfredo sur la robustesse de sa vieille Audi résonnent encore en nous. Il est vrai que la croyance voudrait que les voitures de maintenant ne seraient pas aussi fiables que les "bons vieux engins" d'il y a quelques années. "Ce qui peut rendre les voitures d'aujourd'hui plus vulnérable, c'est l'électronique. C'est plus complexe et il y a donc un risque de panne", concède Joost Kaesemans. "Mais personnellement, je me souviens que mon père allait au garage avec sa Coccinelle tous les 5.000 kilomètres. Aujourd'hui, on peut rouler beaucoup plus sans devoir faire d'entretien", confie le porte-parole.

Tous mes petits-enfants sont tristes de la voir partir

Mais il manque peut-être quelque chose à toutes ces nouvelles voitures: un charme fou. Car il est impossible de reproduire cette ambiance si particulière qui règne lorsque vous montez à bord d'une voiture tout droit venue des années 80. Cette atmosphère, Alfredo nous a permis d'y goûter une dernière fois avant que sa fidèle monture ne le quitte. Car aujourd'hui, elle attend patiemment un potentiel acheteur passionné.

Dans la famille, tout le monde regrette son départ. "Mes petites filles de 18 et 14 ans adoraient la voiture. Elles sont tristes. Elles y étaient habituées depuis toutes petites. Et j'ai une petite-fille de 6 ans qui adorait venir avec moi... Même mon petit-fils de 4 ans est triste aussi", confie Alfredo. Car avec les kilomètres qui passent au fil des années, certaines voitures deviennent parfois un peu plus que de simples voitures...


David Fourmanois

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