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"La valeur d’un peuple est-elle proportionnelle aux réserves de pétrole?": Victoria, 18 ans, ne comprend pas pourquoi on ne parle pas de la crise humanitaire au YÉMEN

Victoria est une jeune fille révoltée. Elle ne comprend pas comment des massacres puissent être commis au Yémen dans l’indifférence quasi générale. D’après l’ONU, c’est la pire crise humanitaire au monde. Avec la force de ses mots comme seule arme, l’étudiante veut attirer notre attention.

5.500 km, c’est la distance qui sépare à vol d’oiseau, le Yémen de la Belgique et de la France. Autant dire un monde. Et pourtant le conflit qui sévit depuis 2014 dans ce pays du Moyen-Orient ne laisse pas Victoria indifférent. A l’aide de son clavier et du bouton orange Alertez-nous, la jeune fille de 18 ans veut attirer l’attention sur "une guerre oubliée qui suscite en elle un cri de révolte". Et pour joindre l’action aux mots, la Française a lancé une pétition pour "demander l’arrêt des bombardements meurtriers au Yémen" sur le site change.org.


Rappel des faits

Le conflit au Yémen oppose depuis 2014, les forces gouvernementales aux rebelles Houthis qui se sont emparés de la capitale, Sanaa. En 2015, l’Arabie Saoudite a pris la tête d’une coalition militaire pour venir en aide aux hommes du président.

Depuis le début des hostilités, chaque semaine ou presque apporte cruellement son lot de morts. Le 9 août dernier, une frappe aérienne a anéanti un bus scolaire, emportant 40 enfants de moins de 15 ans.

Selon l'Organisation mondiale de la santé, la guerre a déjà fait environ 10.000 victimes, dont 9.500 civils. On ne compte plus les bavures de la coalition qui, de son côté, accuse les rebelles d'utiliser les civils comme boucliers humains.

L’impact sur les enfants est terrible: 2.200 ont été tués et 3.400 blessés dans les combats. Selon les derniers chiffres de l’Unicef, deux millions d’enfants ne sont pas scolarisés, et plus de 2.400 ont été recrutés dans les combats.

La situation sanitaire est cauchemardesque. Plus d’un million de personnes ont contracté le choléra. 78% des Yéménites vivent dans la pauvreté. Et un quart de la population ne sait pas si elle aura de quoi manger au prochain repas.

Malgré ce décompte macabre, c’est un fait: la pire crise humanitaire au monde, d’après l’ONU, fait très rarement les gros titres.


Alors pourquoi en parle-t-on si peu?

Victoria ne comprend pas pourquoi on n’évoque quasiment jamais la situation au Yémen. Et du haut de ses 18 ans, cette étudiante en première année de Sciences Po à Menton avance une analyse: "Cette politique de l'autruche est significative d’une volonté de préserver des intérêts économiques au détriment des vies humaines. Le Yémen n’est pas une ‘vache à pétrole’ à l’inverse de la Syrie où la guerre fait des ravages".

Et force est de constater que la situation en Syrie est beaucoup plus suivie. Ce qui pousse Victoria à poser cette question: "La valeur de tout un peuple est-elle proportionnelle aux réserves de pétrole qui gisent sous terre?".

La jeune fille passionnée d’écriture et de géopolitique dénonce aussi "la complicité plus ou moins indirecte de nations ‘dites civilisées’ qui continuent de vendre des armes à l’Arabie Saoudite, le chef de la coalition, tuant et prenant des civils en otage".

Ces accusations graves sont également portées par l'ONG Amnesty International. L’association pointe la responsabilité des pays occidentaux qui fournissent des armes à l’Arabie Saoudite et à ses alliés qui se rendent coupables de crimes de guerre potentiels.


"Combien d’enfants morts faudra-t-il encore avant qu’on ne réagisse?"

Pétition, campagnes, manifestation, Amnesty International fait tout pour essayer de médiatiser ce conflit mais d’après le directeur francophone de l’antenne belge, il manque une réelle volonté politique. "Combien d’enfants morts faudra-t-il encore avant qu’on ne réagisse ? On détourne le regard parce que les principaux acteurs sur le terrain sont parmi nos plus grands clients", déplore Philippe Hensmans. Il vise ainsi les ventes d’armes. On sait que la France et la Belgique, notamment, fournissent l’Arabie Saoudite.

Toujours d’après Amnesty, chez nous, 60 % des ventes de la FN Herstal (Fabrique Nationale) concernent le plus grand pays du Moyen-Orient, même s’il n’y a pas de preuve formelle que les armes vendues sont utilisées directement au Yémen.

Mais on note tout de même un certain changement: plusieurs licences d’exportations d’armes vers l’Arabie saoudite accordées par la Région wallonne en 2017 ont été suspendues par le Conseil d’Etat car la question du respect des droits humains n’avaient pas été analysée.

Et pour contrer la cruauté de l’argument économique, Philippe Hensmans estime "qu’il manque quelque chose au niveau européen".


Une pétition, ça sert à quoi ?

"Je crois au pouvoir de la plume pour réveiller les consciences et soulever les peuples", lance fièrement Victoria. L’étudiante veut faire mentir la "théorie du mort kilométrique", soit le fait que les médias accordent de l’importance aux victimes d’un drame en fonction de la distance qui sépare celui-ci de son audience.

Et pour ce faire, la jeune fille est à l’origine d’une pétition "afin de stopper les bombardements et porter librement assistance au peuple yéménite".

La pétition de Victoria a été publiée sur le site change.org. Et vous pouvez la retrouver ici. Cette plateforme mondiale pour le changement peut s’enorgueillir d’avoir déjà obtenu 29.241 victoires dans 196 pays.

La pétition, c’est aussi une des "armes" de choix d’Amnesty International, "elle sert avant tout à toucher les gens, à attirer l’attention du public sur des situations qu’il ne connait pas", détaille Philippe Hensmans.

Pas de doute possible, vous lisez cet article, et c’est déjà une première réussite pour Victoria.

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