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L'important avec la transparence, "c'est de garder le mystère": l'exposition "Yves Saint Laurent Transparences", qui s'ouvre samedi à la Cité de la dentelle et de la mode de Calais, présente comment le couturier s'est employé à dévoiler le corps des femmes avec audace et élégance.
L'exposition, dominée par le noir et le blanc, coproduite avec le musée Yves Saint Laurent Paris, s'ouvre sur un portrait du couturier nu, puis une robe du soir: une création iconique du style Saint Laurent, de son utilisation de la dentelle et de la transparence, présentée en 1970.
Au premier abord, elle paraît sage, voire austère avec ses manches longues, sa rangée de boutons fermant un col haut et sa longueur au-dessus des genoux. Mais le dos révèle un audacieux décolleté qui descend jusqu'à la naissance des fesses.
"Toute la virtuosité de cette robe se révèle quand le mannequin se retourne au bout du podium où on découvre un dos entièrement dénudé, recouvert d’une simple dentelle de chantilly transparente", commente Domitille Eblé, chargée des collections arts graphiques au musée Yves Saint Laurent Paris et co-commissaire de l’exposition.
Plus audacieuse encore, parmi la soixantaine de tenues exposées, une robe en crêpe de laine noire qui semble sobre de face, avec son col droit et ses épaules marquées. De dos, l'ouverture est vertigineuse, jusqu’en dessous des fesses.
- "Nude dress" -
"On peut y voir le côté humoristique de M. Saint Laurent qui, à travers ses défilés, surprend son public en dévoilant le corps du mannequin, alors qu’au premier abord, on s’attend à quelque chose de plus ennuyeux, plus strict", souligne Mme Eblé.
L'exposition présente aussi des dessins, des photographies et des vidéos. Visible jusqu'au 12 novembre, elle se concentre sur l’utilisation par Yves Saint Laurent tout au long de sa carrière des matières transparentes, avec "la dentelle, la mousseline, la cigaline, l’organza", explique la co-commissaire.
Le couturier "est connu pour avoir mis le pantalon aux femmes", mais "nous voulions présenter cet autre aspect de son travail" qui offre "une fenêtre sur le corps de la femme", complète la seconde commissaire et directrice-adjointe des musées de la ville de Calais, Shazia Boucher.
"Tout en mettant les femmes en pantalon, il a aussi dénudé leur poitrine", résume-t-elle.
Pour sa collection automne-hiver 1968, le créateur présente sa "nude dress", une robe du soir en mousseline de soie noire entièrement transparente "avec des plumes d'autruche sur les hanches cachant les parties intimes de la femme qui la porte", décrit Mme Eblé. Une ceinture composée de deux têtes de serpent orne la taille.
- "Le pouvoir aux femmes" -
Ce sont des pièces qu'il faut "oser porter" et qui se sont donc peu vendues, mais elles ont eu "un grand retentissement". En pleine libération des moeurs, "Yves Saint Laurent s’inscrit dans l’air de son temps".
L'exposition présente aussi l'un des essentiels du vestiaire du couturier: un smoking revisité. Présenté en 1968, il est composé d'un bermuda d'alpaga, d'une veste de costume et d'une blouse entièrement transparente en cigaline dévoilant la poitrine.
Une silhouette "emblématique de l’allure Yves Saint Laurent" avec "le vestiaire masculin qui entre dans le vestiaire féminin", souligne Domitille Eblé.
Le créateur "souhaitait donner le pouvoir aux femmes, qu'elles se sentent aussi à l'aise dans leurs vêtements que l'était un homme dans ses costumes, mais il voulait aussi qu’elles restent femmes", alors "il leur apportait ces tissus transparents", détaille Shazia Boucher.
Yves Saint Laurent "n’était pas un couturier des coups d’éclats": il a mis en place au cours des années 60 un "vocabulaire stylistique", avec des pièces qu'on retrouve dans ses collections postérieures, poursuit-elle, reprenant l'adage du créateur "les modes passent, le style est éternel".
Un deuxième volet de l'exposition, complémentaire de celle de Calais, sera visible au Musée Yves Saint Laurent à Paris à partir de février 2024.