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Le musée Soulages de Rodez présente une exposition-hommage consacrée aux dernières années du peintre, dans laquelle s'affirme toute son "énergie d'adolescent" et son désir de créer jusqu'à la fin.
"Quand on écoute Johnny Cash ou Leonard Cohen, plus ils vieillissent, plus leur voix est sépulcrale. Soulages, c'est pas sépulcral: il n'arrête pas de bosser, il se comporte comme un gamin, il a peint avec une énergie d'adolescent jusqu'à sa mort."
C'est ainsi, avec l'enthousiasme des passionnés, que le directeur du musée, Benoît Decron, décrit le travail du peintre de 2010 à 2022, ces années auxquelles est consacrée l'exposition "Les derniers Soulages", à partir du 24 juin.
Sur la période, alors que l'artiste a entre 91 et 102 ans, il n'y a pas "loin de 300 oeuvres, c'est complètement fou, la vie de Pierre, c'était peindre, toujours peindre et encore peindre", souligne-t-il.
Jusqu'au 7 janvier, le musée de Rodez, ville natale de Pierre Soulages, en expose 38 et notamment la dernière, peinte le 15 mai 2022 dans son atelier de Sète (Hérault), un peu plus de six mois avant sa mort, le 26 octobre dernier.
"Elle n'a encore jamais été montrée parce qu'elle était chez le peintre jusqu'à ce qu'on aille la chercher il y a quelques jours", précise à l'AFP Géraldine Bories, chargée de communication du musée.
- "Brutalité" -
Comme tous ses tableaux, elle ne porte pas de nom, juste un descriptif: "Peinture 102 x 130 cm, 15 mai 2022" et, ainsi que toutes les toiles de Soulages, devenu à partir de 1979 le maître de "l'outrenoir", elle est d'un noir profond, traversée de reliefs et de scories.
Il y a une "espèce de brutalité", "comme des coups de sabot", dit Benoît Decron devant cette ultime toile, où le noir mat est frappé de larges encoches intenses et brillantes.
L'outrenoir, expliquait Soulages, ce n'est plus du noir, mais "de la lumière réfléchie par des états de surface du noir".
"Les gens disent: il travaille le noir, le noir et encore le noir. Non, le noir c'est le prétexte, ce n'est pas du noir, c'est la lumière que renvoie le noir vers nous", précise Dan McEnroe, son assistant pendant 40 ans, venu participer à l'accrochage de l'exposition.
Toutes les oeuvres de cet hommage sont donc noires. Toutes sauf une: "un outrenoir blanc", comme le présente le directeur du musée, et "une des grosses surprises de l'exposition".
Elle est exposée à l'entrée, à côté de son alter ego noir aux dimensions identiques, le "seul duo noir & blanc de Soulages", selon le conservateur.
- Les singes, "c'est nous" -
Autre ensemble marquant, cinq longs rectangles verticaux de près de 3,90 m sur 1,30, balafrés de lignes droites plus ou moins profondes.
L'âge venant, le geste s'est "amplifié", avec "des contrastes qui s'accentuent et puis plein d'idées qu'il travaille parce qu'au fond, il n'a plus rien à perdre", ajoute Benoît Decron.
L'exposition a été montée en un peu plus de six mois, un délai très court, tenu grâce à la réactivité des propriétaires des oeuvres, essentiellement privés.
"Unanimement, faire la première exposition en institution publique post-décès de Pierre Soulages, ça a mis beaucoup de gens d'accord", souligne la régisseuse, Inès Laguarrigue.
"Les prêteurs et collectionneurs ont répondu présents, c'était la belle surprise", dit-elle.
Benoît Decron pense que l'exposition fera date. Avec l'art de la formule qui le caractérise, il s'explique: "Soulages, c'est un peu comme le début du film +2001 l'Odyssée de l'espace+, il y a des grandes pierres noires qui apparaissent au milieu de nulle part et tous les singes qui tournent autour".
"Les pierres noires ce sont les oeuvres de Pierre Soulages (...) et puis autour, c'est nous."