Accueil Divertissement Royauté

« Écœurant » : les mémoires de l’ex-roi d’Espagne Juan Carlos créent la polémique

Par AFP
La publication des mémoires de l’ancien roi Juan Carlos relance le débat sur son héritage et ses liens avec Franco. Cela coïncide avec le cinquantième anniversaire du décès de Franco et du couronnement de Juan Carlos.

La publication des mémoires de l’ancien roi d’Espagne Juan Carlos, en exil aux Émirats Arabes Unis, a relancé dans son pays le débat sur son héritage et ses liens avec le dictateur Franco, dont la mort l’avait porté sur le trône.

L’arrivée dans les librairies de cette autobiographie coécrite avec l’auteure française Laurence Debray coïncide justement avec le cinquantenaire du décès du général Franco (le 20 novembre 1975) et du couronnement de Juan Carlos (le 22 novembre), deux dates qui ravivent en Espagne les polémiques autour de cette période et de la dictature.

Dans « Réconciliation », sorti en France mercredi et qui sera publié le 3 décembre en Espagne, l’ancien monarque de 87 ans évoque son rôle dans la transition démocratique de l’Espagne, ses relations familiales tendues et l’» erreur » d’avoir accepté des millions d’euros, notamment de la monarchie saoudienne.

Parmi les passages les plus polémiques du livre figurent aussi les propos chaleureux qu’il tient à l’égard de Franco, qui a dirigé l’Espagne d’une main de fer après que ses forces ont remporté la Guerre civile de 1936-1939.

« Je respectais énormément (Franco), j’appréciais son intelligence et son sens politique. (…) Je n’ai jamais laissé quiconque le critiquer devant moi », écrit l’ancien roi.

« Ecoeurant »

Le ministre de la Culture, Ernest Urtasun, a condamné ces propos jeudi, jugeant « écœurant qu’aujourd’hui encore quelqu’un ose défendre ou justifier le dictateur ».

Nommé par Franco comme son successeur, Juan Carlos est pour beaucoup d’Espagnols l’homme qui a réussi à emmener l’Espagne vers la démocratie après la mort du dictateur en 1975.

Le monarque a d’ailleurs déçu les franquistes en soutenant un système parlementaire au sein d’une monarchie constitutionnelle, le tout afin de surmonter une opposition globale à la restauration de la couronne.

Le ministre de la Culture, issu du parti d’extrême gauche Sumar et fervent anti-royaliste, estime de son côté que la démocratie a été instaurée grâce à « des milliers de combattants anti-franquistes qui ont tout risqué, qui ont été torturés et emprisonnés ».

L’ancien Premier ministre socialiste José Luis Rodríguez Zapatero a lui aussi estimé que Juan Carlos aurait dû « modérer ses propos » sur Franco, dont le régime s’appuyait sur des exécutions, des emprisonnements d’opposants politiques et une stricte censure d’État.

La maison royale s’est refusé de son côté à tout commentaire sur l’ouvrage de Juan Carlos, mais a confirmé à l’AFP qu’il ne prendrait pas part aux commémorations prévues pour le cinquantième anniversaire de son couronnement, rappelant que l’ancien monarque avait lui-même annoncé son retrait de la vie publique en 2019, cinq ans après son abdication en faveur de son fils Felipe.

Pour David San Narciso Martin, professeur d’histoire contemporaine à l’université Complutense de Madrid, la publication de ses mémoires permet toutefois à Juan Carlos de faire entendre « une voix », sa version à l’heure de ces commémorations et de donner « sa propre interprétation de son règne ».

« L’image qu’il présente de Franco est assez unique », a reconnu aussi David San Narciso Martin auprès de l’AFP.

L’ancien roi suggère notamment que Franco avait anticipé qu’il restaurerait la démocratie en Espagne, alors que selon l’historien, le dictateur n’avait jamais envisagé un tel bouleversement pour le pays.

« Mémoire fragmentée »

« La mémoire est toujours fragmentée, et travailler avec elle peut être risqué : en se souvenant, nous réinventons », rappelle l’historien.

En 2012, l’opinion publique s’était retournée contre Juan Carlos en découvrant, en pleine crise financière, que le roi prenait part à un voyage extravagant pour chasser l’éléphant au Botswana.

Dans son ouvrage, l’ancien roi fait amende honorable, reconnaît des erreurs personnelles, y compris des scandales financiers et des liaisons extraconjugales, mais ses détracteurs y voient surtout un effort pour réhabiliter son image.

Dans le quotidien El País, l’autrice Luz Sanchez-Mellado a qualifié le livre de « biographie édulcorée », évoquant un monarque « tellement habitué à ce que ses moindres désirs soient des ordres… qu’il ne peut concevoir que plus personne ne lui obéisse ».

Bien qu’elles ne soient disponibles qu’en prévente, ses mémoires sont en tout cas, hors fiction, déjà le livre le plus vendu dans la chaîne de librairies espagnole Casa del Libro.

Contenus sponsorisés

À la une

Les plus lus

La surexposition des enfants aux écrans inquiète : que peuvent faire les parents ? Voici quelques conseils

Le Conseil supérieur de la santé met en garde : dans son dernier rapport, il énumère les risques réels liés à une surexposition, des enfants et des jeunes, aux écrans. Au-delà du constat, le Conseil aborde aussi les solutions. Comment protéger les plus jeunes ? Pour la plupart des experts, il ne faut pas forcément interdire totalement les écrans, mais il est important de bien en limiter l’accès.