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Marcos Campos ne peut s'empêcher de sourire. Établi à Barcelone, cet Argentin n'aurait jamais pensé qu'il verrait au stade, et pas à la télévision, la finale de la Copa Libertadores dimanche entre son équipe de cœur River Plate et le rival de toujours Boca Juniors.
Samedi soir, il va prendre la route pour le stade Santiago-Bernabeu de Madrid avec plus de 200 fans de River installés dans la capitale catalane, où vit une importante communauté argentine.
"C'est le match dont on rêve gamin, depuis toujours. Je n'y crois pas, je vais pouvoir le voir", dit-il à l'AFP.
"Depuis une semaine, on touche à tout", raconte Matias Davico, président de l'association de supporters Filial River Plate Barcelona: affréter des autocars, répondre aux membres, récolter l'argent pour acheter des billets, préparer pancartes et banderoles...
Sur les 50.000 billets mis à disposition des deux clubs, 40.000 étaient réservées aux nombreux Argentins installés à l'étranger.
Les 115.000 personnes résidentes en Espagne et nées en Argentine, selon les chiffres officiels, ont d'ailleurs pesé dans le choix de la Confédération sud-américaine de football (Conmebol) de délocaliser à Madrid la finale de la plus prestigieuse compétition de clubs du continent.
D'abord tristes que la rencontre, initialement prévue le 24 novembre au stade Monumental de Buenos Aires, soit reportée et déplacée à cause des violences aux abords du stade, les supporters ont dorénavant envie de montrer une meilleure image.
- Revanche -
"Nous avons une revanche pour montrer au monde que sans notre +barra+ (hooligans, NDLR), nous sommes tout autre chose", veut croire Martin Barbaglia, 37 ans.
Mordu de River Plate, il était allé à Buenos Aires pour voir le match retour au Monumental. Il a racheté un billet pour Madrid, mais aurait préféré que la rencontre ait lieu en Argentine.
"Même si c'est mieux pour moi qu'on joue à Madrid, je crois que le football est brisé. C'est comme si on jouait la Ligue des champions à Tokyo", déplore-t-il.
Côté Boca Juniors, l'ambiance n'est pas plus joyeuse.
Que le match se dispute sur terrain neutre leur permet pourtant d'aller au stade, ce qui leur aurait été impossible au Monumental, l'Argentine interdisant depuis plusieurs années les supporters visiteurs.
"Priver l'Argentine de sa fête pour trois mecs qui ont jeté des pierres, ça n'a aucun sens", proteste Roby Cozzi, membre de l'association Pasion Xeneize, regroupant des supporters de Boca à Barcelone.
"Boca-River, ce sont les gens, pas les footballeurs. C'est tout ce qu'il y a autour des 22 gars sur le terrain. Si tu enlèves les gens, Boca-River n'est plus qu'un match de deux équipes médiocres", dit-il.
- 'C'est de la folie' -
Pour les supporters des deux camps, la semaine est passée à toute allure. Le téléphone de Sergio Porrati, président de Pasion Xeneize, n'en finit pas de sonner et accumule plus de 3.000 messages non lus.
"Ces jours-ci, c'est de la folie", raconte-t-il.
Ils ont réservé huit autocars et partiront à plus de 400 pour voir ce match, rebaptisé "finale du siècle".
"Il y a des gens qui ne sont plus allés en Argentine depuis 10 ou 15 ans. Avoir l'occasion de voir un match impensable pour nous, dans une finale contre le rival de toujours, c'est incroyable", raconte Sergio Porrati.
Lui est doublement chanceux: il a pu voir le match aller (2-2) à la Bombonera, le stade de Boca.
"Je serai un des rares qui verra les deux finales", jubile-t-il.
Conscients que les violences du 24 novembre ont abîmé l'image de leur pays, candidat avec l'Uruguay et le Paraguay à l'organisation du Mondial-2030, les supporters des deux clubs espèrent que les hooligans ne gâcheront pas une nouvelle fois la fête à Madrid.
"On ne doit pas s'entretuer parce qu'on porte un maillot différent", prie Martin Barbaglia, maillot blanc et rouge de River sur les épaules.
Vêtu du bleu et jaune de Boca, Sergio Porrati confirme: "Les disputes, la violence et la colère doivent être mises de côté. Il faut le vivre en paix, faire du bruit mais sans violence".