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« Bonjour madame, comment allez-vous ? Comment s’est passée la nuit ? », demande une infirmière à Laura, qui a accouché d’Armance il y a quelques jours. « Contre la fatigue, les hormones, on se sent plus vite dépassée qu’en temps normal », confie la maman.
Elle est en plein dans la période du post-partum. Cela désigne la phase qui suit immédiatement l’accouchement. Un moment délicat. Selon une étude de Solidaris, en Wallonie, 54 % des mères d’un enfant de moins d’un an présentent un risque de dépression post-partum. « Chez certaines dames, cela peut se manifester par des angoisses plus importantes, des pleurs fréquents, un sentiment d’incapacité. On veille à tout ça », explique Coraline Lecoeuvre, sage-femme au Grand Hôpital de Charleroi (GHDC).
Au bout de 48h, c’est vraiment la période où beaucoup de choses vont se passer
Et par assurer un suivi plus important, l’hôpital carolo a lancé le service plume il y a 10 ans. Les sages-femmes se rendent alors au domicile des mamans qui le souhaitent, plus de 80 % en font la demande. Une nécessité, selon Céline Pion, sage-femme, car les séjours à la maternité sont de plus en plus courts. « Il faut savoir qu’au bout de 48h, c’est vraiment la période où beaucoup de choses vont se passer chez le bébé, mais aussi chez la maman. Toutes ces difficultés qu’elle va rencontrer avec son enfant, elle va les rencontrer quand elle va rentrer à la maison », souligne-t-elle.
Céline se rend aujourd’hui chez Miriam, qui a accouché de Syria fin août. « Je me sens épuisée, seule aussi parfois, même s’il y a des gens à côté. Parfois, on a l’impression qu’on n’y arrivera pas. Je pense que c’est un peu le cas pour toutes les mamans », confie la jeune femme.
Il ne faut surtout pas avoir honte
En effet, selon la sage-femme, toutes les mamans vivent un baby blues. Cela survient trois à sept jours après l’accouchement. Un état à ne pas confondre avec la dépression du post-partum, le baby blues lui passe assez vite et est tout à fait normal. « Il ne faut surtout pas avoir honte, surtout pas garder ça en soi parce que bien souvent il y a des mamans qui s’isolent. Les réseaux sociaux, la société dans laquelle on vit aujourd’hui, fait qu’il y a beaucoup de pression. On idéalise beaucoup la maternité », souligne la sage-femme.
Et pour vivre au mieux cette période et combattre la solitude, certaines mamans participent à des ateliers. Un moment pour apprendre, mais surtout pour se rencontrer. « Les mamans sont très seules parce que les trois quarts de leurs amis travaillent, les grands-parents travaillent encore puisqu’on est dans une société où tout le monde travaille. Elles ne sont pas préparées à ce qui leur arrive », assure Evelyne Piron, infirmière pédiatrique et accompagnante périnatale.
« Avant de le vivre, je ne me rendais pas compte de ce que c’était. Mais, quand le bébé sort, c’est nous qui avons fait tout ça. On a construit un cœur, on a construit des organes, on a construit des cellules. C’est extraordinaire et en même temps c’est extraordinairement demandeur », confie Alexandra, maman de Maxence.
Si bien que certaines mamans ne trouvent plus le temps de manger, ni de se doucher. Ce sujet est encore trop tabou aujourd’hui selon Evelyne. Ce qui pousse les mamans à souvent s’isoler. « Elles sont tellement dans leur détresse que c’est très compliqué parfois même de sortir de chez elles. Elles ont presque l’impression que c’est un monde dans lequel elles doivent venir toutes belles, à l’heure, alors qu’on les accueille dans n’importe quel état », rassure l’accompagnante périnatale.
Des idées noires
Pour certaines femmes, la détresse est si grande que les idées noires envahissent leur esprit. Selon une récente étude française, le suicide est la première cause de mortalité maternelle jusqu’à un an après l’accouchement. Il n’existe pas de données chiffrées chez nous, mais Sylvia Pinna Puissant accueille des mamans en dépression du post-partum au centre de prévention du suicide où elle travaille. Pour la psychologue, Il est essentiel aujourd’hui de renforcer la prévention. « Je pense qu’il y a beaucoup de femmes d’ailleurs qui sont surprises de le vivre et c’est pour ça qu’il y a ce sentiment de honte. Elles se demandent si c’est normal, alors que oui on remarque un bon pourcentage de femmes qui peuvent développer une dépression post-partum. C’est donc important de savoir à quoi s’attendre », indique Sylvia.
Chaque année en Belgique, on compte en moyenne 116.000 naissances. La dépression du post-partum touche 10 à 15 % des mères. Un chiffre estimé bien plus bas que la réalité car le tabou persiste encore aujourd’hui autour de ce sujet.
















