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L'Enquête: les classes de nos écoles primaires et secondaires sont-elles vraiment surpeuplées?

C'est l'une des revendications des syndicats: réduire le nombre d'élèves afin d'améliorer la qualité de l'enseignement et les conditions de travail. Face à cela, une question se pose : les professeurs sont-ils mal lotis en Fédération Wallonie-Bruxelles ? Qu'est-ce qui est finançable en pratique, et quels en seraient les effets ? Nous nous sommes rendus dans des classes pour mieux comprendre la situation.

Cette année, dans la classe de première maternelle de Madame Annick, il y a 24 élèves, soit le maximum autorisé par le décret. Cette institutrice estime qu'elle peut gérer seule 24 enfants âgés de 3 à 4 ans, mais cela représente un défi quotidien. "Ce sont 24 enfants, 24 personnalités différentes", explique-t-elle. Cela fait maintenant 34 ans que Madame Annick s’occupe de tout-petits. Elle constate une évolution : le nombre d’élèves tend à diminuer, mais les enfants présentent aujourd'hui des besoins différents. "Les enfants évoluent avec la société, donc nous devons constamment nous adapter à ses changements et aux besoins différents de ceux que j'ai connus à l'époque", précise-t-elle.

Le nombre d’élèves par classe est fixé dans un décret : un maximum de 24 élèves de la maternelle à la 2e primaire, et 28 élèves de la 3e à la 6e. En secondaire, ce chiffre peut atteindre jusqu’à 32 élèves par classe.

Mais tout n'est pas qu'une question de chiffres. L’an dernier, Madame Julie avait une classe de première primaire remplie avec 24 élèves. "Nous avons de plus en plus d’enfants avec de réelles difficultés qui ont besoin de notre attention. Et avec 24 élèves, il est impossible de s’occuper de tout le monde. Malheureusement, certains reçoivent moins d’attention, non pas parce qu’on les délaisse", constate-t-elle. Dans cette classe, des casques anti-bruit attirent notre attention. Ils illustrent bien l’ambiance parfois qui règne en classe. "On a tendance à dire que les professeurs ont la belle vie, avec des chouettes horaires, etc. Mais il faut savoir que c’est un métier en pénurie. C’est assez révélateur…", s’agace-t-elle. Les normes établies semblent donc ne pas correspondre à la réalité du terrain. 

Vraiment mal lotis ?

Face à ce constat, une question se pose : les enseignants belges francophones sont-ils réellement si mal lotis ? Pour mieux comprendre l’évolution chiffrée de la situation, nous avons contacté la Fédération Wallonie-Bruxelles. Fait étonnant : les données ne sont pas collectées.

Cependant, nous avons réussi à trouver des chiffres grâce à Dominique Lafontaine, professeure émérite en sciences de l'éducation et spécialiste de la question. Selon des études internationales, nos classes sont, en moyenne, moins peuplées que celles de nos voisins. Prenons un exemple : le cours de français en 4e secondaire. Chez nous, il compte 21 élèves en moyenne, contre 31 en France.

"D'un point de vue strictement comparatif, on ne peut pas dire que nous sommes dans une situation beaucoup plus défavorable qu'ailleurs, ni que cela justifierait des mesures pour réduire drastiquement la taille des classes", explique Dominique Lafontaine.

Réduire les classes, une bonne idée malgré tout ? 

Il semblerait donc inutile de réduire la taille des classes. Et pourtant, d’autres études montrent qu’en limitant le nombre d’élèves, la qualité de l’enseignement augmente.

Dans cette classe de 4e secondaire technique, il y a 12 élèves. Un chiffre confortable pour Didier, enseignant depuis 20 ans. L’an dernier, cette classe comptait pourtant le double, rendant l’enseignement bien différent.

"À 24, je passais plus de temps à jouer au gendarme et à crier. Tandis qu’à 11 ou 12, je peux aller voir chaque élève individuellement. (...) Mais bon, on essaye d’avoir le plus d’élèves possible. Au plus on en a, au mieux c’est, surtout pour l’école", explique Didier.

Pourquoi Didier considère-t-il qu’avoir plus d’élèves est préférable pour l’école ? Pour mieux comprendre, nous sommes allés interroger la directrice de son établissement.

Il faut savoir que les écoles sont financées en fonction du nombre d’élèves. C’est donc un exercice presque schizophrène. D’un côté, il faut un nombre suffisant d’inscriptions pour garantir le financement. De l’autre, il faut éviter des classes trop chargées afin de soulager les enseignants.

Stéphanie Callens, directrice de l’Institut Technique Saint-Gabriel, précise : "Quand on a 25 élèves par classe, on les encadre moins bien que lorsqu’on en a 15. (...) Chaque direction aimerait accueillir un grand nombre d’élèves à la rentrée, mais parallèlement, il est compliqué de travailler avec les heures attribuées et de respecter toutes les normes".

Pour réellement améliorer la qualité de l’enseignement, les études montrent qu’il faudrait réduire drastiquement le nombre d’élèves par classe. Mais c’est une solution intenable financièrement et structurellement. "Cela signifierait des classes de 10 à 15 élèves. Or, nous n’avons pas les enseignants nécessaires pour cela, notamment à certains niveaux et dans certaines matières. Et, d’autre part, cela coûterait extrêmement cher", souligne Dominique Lafontaine.

Une classe de 15 élèves aurait pourtant deux avantages majeurs : réduire les inégalités sociales de moitié et améliorer les conditions de travail des enseignants. Mais ce rêve demeure aujourd’hui impayable, malgré les revendications du corps enseignant.

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